Revenu sur le sol français mercredi 27 avril, M. Salah Abdeslam a désigné pour l’assister dès sa première comparution devant le juge d'instruction Maître Frank Berton, avocat (reconnu) du barreau de Lille. Et au-delà la classique question de savoir comment un avocat peut défendre un criminel (la tout aussi classique réponse étant : comme il défend ses autres clients), de nombreuses personnes (commentateurs, twittos, public de BFMTV...) semblent s'interroger sur la prise en charge par l'Etat des honoraires du ténor du barreau lillois. Il faut reconnaître à cet égard que la lecture de certains articles de presse, ou du tweet (*) de Mme Le Pen (ou de la personne s'exprimant en son nom sur le compte @ElyseeMarine) demandant non sans une délicatesse désormais proverbiale si "les commis d'office, c'est pour les chiens ?", donne l’impression que Maître Berton aurait désormais l'autorisation de faire parvenir des factures nécessairement somptuaires au ministère de la Justice afin de percevoir la juste rémunération de son travail dans ce dossier.
Rien n’est plus faux. Comme de nombreuses personnes aux revenus modestes, M. Abdeslam bénéficie du système de l’aide juridictionnelle, qui permet l’assistance d’un avocat totalement ou partiellement pris en charge par l’Etat.
Ainsi, chaque personne dont les revenus mensuels sont inférieurs à un plafond d’environ 1.000 euros peut être assistée par un avocat indemnisé par l’Etat, que ce soit dans le cadre d’un procès civil (divorce, litige de voisinage ou avec un locataire...) ou en matière pénale, où les victimes comme les auteurs d’infractions peuvent bénéficier de ce système. Il est bien évident que la nature des infractions qui leur est alors reprochée, vol, violences, escroquerie, meurtre, ou assassinat en relation avec une entreprise terroriste, tout comme le nombre de victimes à déplorer n'a à aucun moment à entrer en ligne de compte.
Quels que soient les faits qui lui sont reprochés, toute personne justifiant de revenus inférieurs au plafond légalement fixé peut ainsi être assistée d'un avocat qui lui permette de se défendre, d’apporter des explications sur le geste qu’il a commis.
Rien de choquant donc dans l’indemnisation de Maître Berton pour la défense de M. Abdeslam, d’autant que les sommes qui lui seront versées ne devraient pas grever le budget de l’Etat : dans le cadre de cette instruction criminelle, l’avocat de la défense touchera pour son intervention une somme d’environ 1.000 euros.
Cette somme est forfaitaire, ce qui signifie qu’elle sera partagée entre les différents avocats qui pourraient être amenés à intervenir aux côtés de l'éminent lillois sur sollicitation de celui-ci, et ne sera pas majoré par des frais de transport (rappelons que Maître Berton est inscrit au barreau de Lille, que M. Abdeslam est détenu à Fleury-Mérogis et que l'information judiciaire est ouverte à Paris), ni en fonction de la complexité de l’affaire, du nombre d’interrogatoires et d’actes d'instruction ou de leur durée.
Nul enrichissement donc à prévoir (ou à déplorer, ou à redouter, rayez donc la mention inutile) au bénéfice de l’avocat de la défense désigné dans cette affaire.
Quant aux esprits chagrins de l'effort national que représentent pour la France ces quelques centaines d'euros versées à Maître Berton, lançons-leur une tarte à la crème ou une effroyable vérité : la prison dans laquelle M. Abdeslam se trouve incarcéré, l'hélicoptère dans lequel il a été transféré, les policiers, gendarmes et surveillants pénitentiaires chargés de veiller sur lui, et même les magistrats chargés d'instruire cette procédure puis, le cas échéant, de le juger sont, eux aussi, payés avec vos impôts !
(*) On me souffle dans l'oreillette que ce tweet a depuis été supprimé. Mme Le Pen (ou @ElyseeMarine) a probablement réalisé que contrairement au Paradis de la chanson de M. Polnareff, l'aide juridictionnelle pouvait être accordée aux saints ou aux assassins aux voleurs ou aux bandits, mais précisément pas aux chiens.