La piètrerie de M. Lahaye

Drôle d’ambiance parmi les vétérans de la tournée Stars 80 : suite à sa condamnation à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis pour des faits de corruption de mineure, M. Jean-Luc Lahaye s’est justifié à la radio de sa préférence pour les jeunes filles, précisant élégamment qu’il n’allait pas « se taper Julie Pietri ».

La chanteuse Julie Pietri à l'enterrement de Frank Alamo, à Paris, le 18 octobre 2012.

La chanteuse, ne goûtant visiblement pas cette saillie, a annoncé qu’elle en ressentait une « atteinte considérable à son honneur », ajoutant par le biais de son avocat qu’elle allait déposer plainte pour diffamation à l’encontre de son raffiné collègue.

On ne le répétera jamais assez : la diffamation répond à une définition légale précise, étant constituée par « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

Pour caractériser cette infraction, il faut que la diffamation porte sur un fait précis et déterminé, ce qui n’est évidemment pas le cas en l’occurrence. En outre, les propos en question ne sauraient constituer une atteinte à l’honneur de Mme Pietri, l’honneur étant lié au comportement de la personne en cause.

On pourrait en revanche estimer que l’expression utilisée par le chanteur caractérise le délit d’injure, prévu par la loi de 1881 relative à la presse et qui sanctionne « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ».

Sont donc sanctionnés des propos blessants, atteignant une personne dans son orgueil, des mots dévalorisants, ou une parole violente. En l’occurrence, on pourrait comprendre que Mme Pietri se trouve atteinte dans son orgueil par les propos de M. LAHAYE quant à son faible potentiel d’attractivité. Mais si la loi pénale est d’interprétation stricte, celle relative à la liberté de la presse l’est tout particulièrement. A tout le moins, cette éventuelle injure ne serait pas la plus virulente qu’on ait vu passer dans les médias ni devant les tribunaux.

Mais Mme Pietri a bien évoqué une plainte pour diffamation, ce qui nous amène à rappeler une subtilité de la matière, à savoir le principe d’intangibilité de la poursuite prévu par le droit de la presse. Si, comme elle l’a indiqué, Mme Pietri a choisi de poursuivre l’indélicat M. Lahaye du chef de diffamation, elle ne pourra pas faire ultérieurement modifier cette qualification au profit de celle d’injure, et sera en conséquence nécessairement déboutée de sa demande.

En tout état de cause, au-delà d’un éventuel débat juridico-judiciaire, ne serait-il pas plus sage de prendre le parti de traiter la grossièreté de M. Lahaye par le mépris qu’elle mérite ? Voire d’estimer qu’être jugée indésirable par l’intéressé pourrait bien constituer en définitive un précieux compliment…