Alanguissement de vacances, soleil qui tape ? L'été voit fleurir dans les médias les déclarations et idées d'hommes politiques les plus diverses, parfois fantaisistes, voire inutiles. La dernière en date émane de Christian Estrosi, maire de Nice, choqué par une campagne de publicité destinée à vanter les mérites des poulets de Loué en faisant le parallèle entre ladite volaille, objet de la promotion, et les forces de polices de la République, dont il n'est un scoop pour personne que d'aucuns peuvent les désigner familièrement par ce terme. Parmi les images mises en cause, on peut citer des placards sur la voie publique montrant notamment un représentant des forces de l'ordre tout sourire, des jumelles de contrôle de vitesse à la main, un volatile à ses pieds, le tout accompagné de cette légende : «Poulet contrôlé ! ».
M. Estrosi, ne goûtant manifestement pas ce genre d’humour, a posté très rapidement sur Twitter le message suivant : «J’ai écrit à la société Loué pour demander de retirer cette campagne contribuant au dénigrement des forces de l'ordre».
Ne recevant aucune réponse de Loué, l’élu a précisé qu’il allait sans désemparer présenter dès la rentrée une proposition de loi «pour demander à ce que toute publicité qui discrédite l'autorité de l'Etat et le service public en général soit sanctionnée et interdite».
Il semblerait donc que M. Estrosi présente un symptôme commun à de nombreux élus : vouloir faire adopter un texte « de circonstance » par le parlement, alors qu’une disposition similaire est déjà en vigueur.
En effet, le corpus législatif français comporte une disposition réprimant la diffamation et l’injure « envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l'air, les corps constitués et les administrations publiques ». Ce texte concerne bien tant la police que la gendarmerie, ainsi que l’ensemble des services publics.
Dans ces conditions, « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération » des policiers ou des gendarmes est réprimée par la loi, ainsi que « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ».
Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre des dispositions protégeant les institutions de l’État, le législateur considérant que la publication de propos diffamatoires ou injurieux envers les principales institutions de l'État atteint l'État lui-même.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a donc spécialement incriminé ce type de publications, sanctionnant le responsable par une amende de 45 000 € si la publication est diffamatoire et de 12 000 € si la publication s'avère injurieuse. Le tribunal peut, en répression de ces infractions, ordonner la saisie et la suppression ou la destruction de tout ou partie des exemplaires de la publication en cause mis en vente, distribués ou exposés aux regards du public.
Il me semble toutefois peu probable qu’un tribunal sanctionne la comparaison entre la volaille vendue et les services de police dans le cadre d’une publicité, ce placardage ayant une vocation à l'évidence humoristique, la jurisprudence adoptant légitimement une position plus souple s’agissant de propos se voulant spirituels.
Bref, rassurez-vous, M. Estrosi : les Procureurs et les administrations concernées veillent à ce que policiers et gendarmes bénéficient du respect et de la considération qui leur sont dues, sans forcément se départir d’une forme de tolérance lorsque les circonstances s’y prêtent. Si vous vous occupez pour votre part de la légalité des arrêtés relatifs aux « drapeaux ostentatoires » susceptibles de flotter en votre bonne ville de Nice, on pourra considérer que les poulets de chacun sont bien gardés.