Mercredi dernier, le bureau de l’Assemblée nationale a ordonné la mainlevée de l’immunité parlementaire du député Patrick Balkany, mis en examen de même que son épouse Isabelle depuis octobre 2014 des chefs de corruption passive et blanchiment de fraude fiscale, concernant notamment des fonds placés dans des sociétés offshore et des villas aux Antilles et au Maroc.
Les juges saisis de ce dossier souhaitaient lui imposer un contrôle judiciaire, notamment pour qu'il leur remette son passeport et ne puisse pas quitter le territoire français.
Compte tenu de sa qualité de parlementaire, Patrick Balkany ne pouvait faire l’objet d’une telle mesure de contrainte sans autorisation de l’Assemblée nationale.
Le Constitution prévoit en effet une immunité de procédure bénéficiant aux parlementaires, son article 26 alinéa 2 disposant qu’aucun “membre du Parlement ne peut faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n'est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive”.
Cette règle trouve son origine dans la nécessaire garantie de la liberté parlementaire et du maintien de la séparation des pouvoirs législatif et judicaire.
Ce texte a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une modification puisque jusqu’au 4 août 1995, toute mise en cause de la responsabilité pénale d’un parlementaire devait passer par une mainlevée de cette immunité.
On se souvient notamment qu’en 1993, l’Assemblée nationale avait dû ordonner la mainlevée de l’immunité parlementaire de M. Bernard Tapie, préalablement à sa mise en examen dans une affaire de prélèvements abusifs dans la société Testut.
Depuis 1995, les poursuites peuvent être librement exercées à l’encontre d’un parlementaire, ce qui inclut la mise en examen ou le renvoi devant le tribunal correctionnel de celui-ci. L’immunité parlementaire ne dispense donc nullement ceux qui en bénéficient de répondre aux convocations des magistrats instructeurs, contrairement à ce que semble sous-entendre le communiqué de presse de M. Balkany.
En revanche, une arrestation ou une mesure privative ou restrictive de liberté notamment une garde à vue ou une mesure de contrôle judiciaire, doivent faire l’objet d’une demande auprès de l’Assemblée nationale, exception faite d’un crime ou d’un délit flagrant, une telle situation imposant une certaine célérité, incompatible avec la longueur de la procédure de mainlevée. Si M. Claude Guéant, par exemple, avait été élu député, il n’aurait pu être placé en garde à vue comme ce fut le cas le 6 mars dernier sans décision préalable de mainlevée de l’immunité par l’Assemblée Nationale.
Concernant M. Balkany, les juges d’instruction qui l’ont mis en examen souhaitaient ordonner son placement sous contrôle judiciaire selon les conditions prévues par l’article 138 du code de procédure pénale. Ce contrôle astreint la personne concernée à se soumettre, selon la décision du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, à une ou plusieurs des obligations énumérées par le texte.
Sont en particulier énumérées par ce texte les obligations ou interdictions suivantes :
- Interdiction de quitter des limites territoriales déterminées (département ou territoire national) ;
- Interdiction de quitter son domicile
- Interdiction de se rendre dans certains lieux
- Interdiction de rencontrer certaines personnes
- Obligation de répondre à toutes convocations de certains services
- Obligation de remettre aux services compétents des documents d’identité
La demande d'autorisation est formulée par le magistrat saisi de la procédure (en l’occurrence par le juge d’instruction) auprès du procureur général près la cour d'appel compétente qui l’adresse au ministre de la justice pour transmission au président de l'Assemblée.
Le bureau de l’Assemblée nationale saisit alors une commission permanente qui procède à l'audition du parlementaire concerné et fait son rapport devant le bureau, qui prendra (ou pas) la décision de mainlevée de l’immunité en recherchant le juste équilibre entre la protection du mandat parlementaire et l'interdiction de faire obstacle au cours de la justice. L'éventuelle autorisation n'est évidemment pas générale, mais limitée aux seuls faits mentionnés dans la demande du juge d'instruction.
En l’occurrence, la demande a été adressée au parlement au début du mois de février (et non dans la semaine précédant le 1er tour des élections départementales comme l’indique Monsieur Balkany dans un communiqué) à l’initiative des juges d’instruction souhaitant, si la presse dispose de renseignements exacts, que le député remette aux autorités son passeport afin d’éviter qu’il ne quitte le territoire national.
On peut également penser qu’un contrôle judiciaire aurait pour objet de faire en sorte de lui interdire d’entrer en contact de quelque manière que ce soit (téléphone, mails, SMS…) avec d’autres personnes impliquées dans ce dossier (mis en examen ou témoin) afin que les investigations se déroulent sans interférences nuisibles.
Ni « justice en place publique », ni jet de mis en examen « aux chiens » donc, dans cette procédure. Uniquement l’application stricte de la loi à un citoyen parmi tant d’autres.