Cette fois, ça y est. Dans le collimateur des enquêteurs depuis longtemps, mis en examen depuis le mois d’octobre dernier pour corruption passive et blanchiment de fraude fiscale, Patrick Balkany vient de perdre son immunité parlementaire. Pour se consoler, le député-maire de Levallois pourra toujours se remémorer la liste de ses prédécesseurs – dont quelques-uns assez illustres.
François Mitterrand, le poisson-pilote
Il n’aura pas fallu longtemps pour tester l’article 26 de la nouvelle Constitution : sous la Ve République, c’est François Mitterrand qui perdit le premier son immunité parlementaire le 25 novembre 1959, un peu plus d’un an après la naissance du nouveau régime. Le climat est plus que tendu, mais la sanction tombe : 175 voix contre 27, sans compter 95 abstentions.
En cause ? La rocambolesque affaire de l’attentat de l’Observatoire, intervenu un mois plus tôt à Paris. Dans la nuit du 15 au 16 octobre, la voiture de François Mitterrand, alors sénateur de Nièvre, reçoit sept balles. En pleine Guerre d’Algérie, on pense d’abord à un attentat politique avant que très rapidement, François Mitterrand ne se voie accusé d’avoir lui-même commandité l’attentat pour regagner la sympathie des électeurs. Une accusation portée par un ancien député gaulliste, Robert Pesquet, qui changera de version plus tard, évoquant une opération destinée au contraire à discréditer Mitterrand, allant jusqu’à accuser des hauts responsables gaullistes – Michel Debré, rien de moins - d’avoir tout planifié. De fausse confession en retournement de situation, personne ne saura jamais sans doute le fin mot de l’histoire.
Bernard Tapie, le cumulard
Belle performance pour Bernard Tapie : c’est le seul à avoir perdu… TROIS FOIS son immunité parlementaire, en deux ans à peine…
Le 7 décembre 1993, première salve pour le député des Bouches-du-Rhône. Accusé d’avoir procédé à des prélèvements abusifs sur la société Testut – notamment pour financer le recrutement à l’OM de Chris Waddle – Bernard Tapie se défend comme un beau diable. Rien n’y fait : mis en examen après la levée de son immunité, le propriétaire de l’OM sera condamné en 1996 à deux ans de prison avec sursis et 300 000 francs d'amende.
Le 28 juin 1994, deuxième lame, cette fois dans le cadre de l’affaire du Phocéa. Un bien beau barlu que le Phocéa, et pour cause : rien que l’entretien lui coûte 12 millions de francs par an (1,8 million d’euros, à la louche). Une dépense considérée comme une charge, donc soustraite de ses impôts… Après enquête du juge Eva Joly – les racines de l’évidente amitié qui lie aujourd’hui les deux personnalités - Tapie est condamné à 18 mois de prison, dont 6 ferme, pour fraude fiscale.
Le 21 novembre 1995, dernier coup de tromblon, cette fois dans le cadre de l’affaire de corruption sportive VA-OM : des joueurs de Valenciennes avaient été soudoyés par des émissaires du club marseillais pour, disons, lever le pied, à quelques jours d’une finale de Coupe d’Europe entre Milan et l’OM. Tapie sera condamné en appel à 2 ans de prison dont 8 mois ferme, et le 5ème titre consécutif de l’OM, conquis cette année-là, sera finalement annulé.
Marc Dumoulin, un député en prison
Ancien professionnel du tourisme, Marc Dumoulin se lance progressivement en politique avec un certain succès puisqu’il est élu député dans le Haut-Rhin en 1997, sous l’étiquette RPR.
Mais la même année, sa nièce de 12 ans porte plainte contre lui – pour viol. Rarissimes dans le milieu politique, plus habitué aux affaires politico-financières qu’aux affaires de mœurs, l’accusation conduit son groupe parlementaire à l’exclure et le député siègera alors comme non-inscrit jusqu’à la fin de son mandat, en 2002.
L’affaire suit son cours : il faudra attendre une condamnation en première instance à 5 ans de prisons, dont 3 fermes, en octobre 2001, pour que l’Assemble nationale retire enfin son immunité au député, en novembre 2001. Marc Dumoulin peut alors être incarcéré mais fait appel et reste député. En juin 2002, l’année de fin de son mandat, la cour d’appel le condamne à 8 ans de prison et cinq ans de privation de droits civiques. Fin de partie.
Bonus track : Jean-Marie Le Pen, l’humoriste douteux
Après avoir été élu député à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale, notamment sous les couleurs du parti de Pierre Poujade puis du Front National, Jean-Marie Le Pen fut élu et réélu député entre 1984 et 2003[1] - mais cette fois, au niveau du Parlement européen.
Autre institution donc, mais même risque : le mandat lui aussi soumis au risque de perte d’immunité. Dans le cas de l’actuel président d’honneur du FN, c’est une formule célèbre qui lui vaudra pourtant d’être déchu de son siège : en septembre 1988, pendant l’université d’été du FN, il prononce ces mots : « Monsieur Durafour et Dumoulin, obscur ministre de l'ouverture (…) a déclaré : “Nous devons nous allier aux élections municipales, y compris avec le Parti communiste, car le Parti communiste, lui, perd des voix tandis que l'extrême droite ne cesse d'en gagner…”. M. Durafour-crématoire, merci de cet aveu ».
Le jeu de mots déclenche un scandale, et l’immunité parlementaire de député européen est levée le 11 décembre 1989. Poursuivi pour « injure publique envers un ministre », le président du FN sera condamné en dernière instance à 10 000 francs d’amende.
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[1] Il l’est à nouveau depuis juillet 2004.