La semaine dernière, la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Versailles a examiné la demande de remise aux autorités belges, dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen, de Mehdi Nemmouche, soupçonné du meurtre de quatre personnes au Musée juif de Bruxelles.
Le conseil de M. Nemmouche a annoncé que son client refusait fermement d’être transféré en Belgique pour y être jugé. Nonobstant l’opposition du mise en cause, il existe néanmoins très peu de possibilités pour que M. Nemmouche puisse longtemps demeurer en France.
On peut tout d’abord rappeler que contrairement à ce qui a fréquemment pu être indiqué, la procédure applicable ne relève pas de l’extradition mais du mandat d’arrêt européen.
L’extradition correspond à un système de coopération entre deux États selon lequel une personne se trouvant sur le territoire d'un État est remise à un autre État pour y être jugée ou pour y exécuter une peine. S’agissant d’une coopération entre États instituée le plus souvent par le biais de traités internationaux, la procédure d’extradition impose la réunion de conditions de fond et de forme contraignantes, entraînant une grande lourdeur et une certaine lenteur d’exécution.
Le principe de non-extradition des nationaux (qui veut qu’un pays ne transfère en principe jamais l’un de ses ressortissants vers un autre pays afin qu’il y soit jugé), en particulier, rend très difficile la mise en œuvre de cette procédure.
Aussi plusieurs États parties à la Convention de Schengen (Allemagne, Autriche, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Italie, Belgique, Danemark, Finlande, Suède) et membres d'Interpol (Chypre, Hongrie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Malte, Irlande, Royaume-Uni) ont-ils créé le mandat d’arrêt européen, procédure dont les conditions d’exécution sont nettement moins contraignantes.
Dans ce cadre, la condition excluant le transfert d’un national a été supprimée. La seule restriction à ce principe est posée par l’article 695-32, 2° du code de procédure pénale qui prévoit que la remise puisse être subordonnée à la condition que la personne soit renvoyée dans l'État membre d'exécution afin d'y subir la peine ou mesure de sûreté qui pourrait être prononcée à son encontre dans l'État ayant émis le mandat. La France pourrait ainsi accepter le transfert d’un ressortissant français pour être jugé à l’étranger à la condition qu’il puisse exécuter en France la peine d’emprisonnement qui serait éventuellement prononcée à son encontre.
Dans ces conditions, les hypothèses de refus de remise d’une personne à un État pour y être jugée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen sont peu nombreuses, et sont prévues par les articles 695-22 et suivants du code de procédure pénale :
- les faits poursuivis ont été amnistiés en France ;
- la personne recherchée a déjà été définitivement jugée pour les mêmes faits que ceux faisant l'objet du mandat d'arrêt européen ;
- la personne recherchée était âgée de moins de treize ans au moment des faits en cause ;
- la prescription de l’action publique est acquise concernant les faits pour lesquels le mandat d’arrêt a été émis ;
- il est établi que ledit mandat d'arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation ou identité sexuelle, ou qu'il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons.
- pour les faits faisant l'objet du mandat, la personne recherchée est déjà poursuivie devant les juridictions françaises ou celles-ci ont décidé de ne pas engager les poursuites ou d'y mettre fin ;
- les faits en cause ont été commis en tout ou en partie sur le territoire français ;
- les faits en cause ne constituent pas une infraction en droit français.
En dehors de ces situations, le transfert de la personne recherchée à destination du pays ayant émis le mandat ne peut être refusé.
En l’occurrence, M. Nemmouche est suspecté d’avoir commis plusieurs meurtres en Belgique.
Aucune des conditions pouvant permettre de refuser son transfert n’apparaît remplie. La seule hypothèse susceptible de permettre son maintien sur le territoire national serait celle où les autorités françaises décideraient d’engager des poursuites contre M. Nemmouche pour ces mêmes faits, dans la mesure où l’une des victimes est de nationalité française. On peut toutefois douter que le parquet français décide d’engager de telles poursuites, eu égard au trouble extrême à l’ordre public causé en Belgique par la commission de ces crimes.
Il est dès lors vraisemblable que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles fasse droit à la demande des autorités belges.
M. Nemmouche disposerait alors d’un recours devant la Cour de Cassation qui devrait statuer dans un délai de quarante jours à compter de sa saisine.
En tout état de cause, son maintien sur le sol français au-delà du 8 août prochain apparaît très improbable.