Inglourious basterd

Si l'identification, la traque et l'interpellation de Farid de la Morlette, le "lanceur de chat", ont recueilli des échos globalement positifs des internautes, qui n'ont pas manqué de rappeler que les réseaux sociaux y avaient largement contribué, la peine prononcée par le tribunal correctionnel à l'issue de la procédure de comparution immédiate dont il a fait l'objet a suscité des réactions contrastées.

Sur son compte Facebook, la SPA Marseille Provence donne des nouvelles d'Oscar, un chat torturé qui a ému les internautes. 

Farid Ghilas, dit "Farid de la Morlette" sur Facebook, a comparu aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Marseille selon la procédure de comparution immédiate, afin de répondre des mauvais traitements infligés au chaton Oscar qu'il avait projeté en l'air, le plus fortement possible, et laissé durement retomber sur un sol en béton sous l'oeil complaisant d'une caméra manipulée par un ami.

A l'issue de cette audience, le tribunal a prononcé à l'encontre de M. Ghilas une peine d'emprisonnement d'un an, ainsi qu'une interdiction définitive de détenir un animal.

Si les amis des animaux ont applaudi à l'annonce de cette condamnation sévère, les réseaux sociaux, qui avaient pourtant contribué par la mobilisation de leurs membres à l'interpellation du jeune homme, ont vu émerger un courant plus mitigé. Nombreux sont ceux qui sur Twitter ont pu se demander publiquement si les auteurs de violences conjugales ou d'agressions brutales écopaient tous de peines aussi élevées. Si la valeur judiciaire d'une femme battue anonyme était inférieure à celle d'un médiatique chaton.

La peine prononcée à l'encontre de M. Ghilas est-elle rigoureuse ? On peut sans hésitation répondre par l'affirmative.

Le Code pénal réprime, en son article 521-1, le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, sanctionnant de tels agissements de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

En l'occurrence, les actes commis par M. Ghilas, soit le fameux "lancer de chaton", qui a causé à l'animal une fracture de la patte qui nécessitera une opération dans les jours à venir, le tout de façon ô combien publique puisque partagée et visionnée par des milliers d'utilisateurs du Web, entrent sans difficulté dans le champ de la répression déterminé par le Code pénal. La vidéo réalisée par l'ami anonyme a revêtu une valeur probante considérable quant au déroulement et à l'imputabilité des faits, mettant en outre en relief les motivations gratuites et sadiques de leur auteur.

Ces éléments factuels ont nécessairement été pris en compte par la juridiction correctionnelle, mais il est tout aussi évident que la personnalité du prévenu, et particulièrement son casier judiciaire manifestement fourni, a été déterminante lors de la fixation de la peine.

Le casier de M. Ghilas porte en effet mention de huit condamnations, comprenant apparemment au moins une peine d'emprisonnement qui, si elle a été prononcée dans les cinq années ayant précédé l'audience de ce jour, l'empêchait d'ores et déjà de bénéficier du sursis simple sur une peine de même nature. Un sursis avec mise à l'épreuve ne pouvait par ailleurs être envisagé qu'à la condition que M. Ghilas n'ait pas déjà bénéficié par deux fois d'une peine similaire, faute de quoi la condamnation d'aujourd'hui aurait nécessairement dû comporter une partie ferme.

Quoi qu'il en soit, le tribunal a fait le choix de condamner M. Ghilas à une peine d'emprisonnement sans sursis et de le maintenir en détention.

S'agit-il là d'une peine particulièrement sévère en répression de ce type de faits ? Oui, sans pour autant être inédite. J'ai, à titre professionnel, déjà vu prononcer des peines d'emprisonnement ferme ou assorti du sursis à l'encontre de tueurs de chiens ou de tortionnaires de chats poursuivis sur le fondement du même texte.

Cette condamnation est-elle pour autant surprenante au vu des éléments de personnalité de M. Ghilas évoqués dans la presse ? Non. Quelle que soit la nature des faits reprochés à un prévenu, mais plus encore lorsqu'il s'agit d'infractions à connotation violente, une neuvième comparution devant une juridiction pénale emporte fréquemment une condamnation rigoureuse - à une peine d'emprisonnement au moins en partie ferme, donc.