Dimanche 25 juin. Terrible journée qui commence aujourd’hui ! Notre copain Guy Laot vient de mourir, mais pas devant l’ennemi. Tué par accident, d’une façon atroce ! Il a été descendu par erreur par l’un des nôtres de retour de patrouille.
La nouvelle est tombée aussitôt à 1h30 ce matin. D’après ce qu’on m’a dit, la patrouille partie hier soir a été prise à parti par les Allemands et au moment du repli dans une pagaille indescriptible, les bons mots de passe pour rentrer dans nos lignes n’ont pas été donnés, sans doute à cause de l’affolement ; un type de chez nous complètement paniqué lui aussi a craqué. Il a tiré devant lui à tout-va avec son fusil-mitrailleur.
Mais ce n’est pas un Allemand qui s’est écroulé. Laot a été littéralement coupé en deux par une rafale portée à la hauteur de la ceinture.
Laot c’était un gars bien, apprécié de tous. Un type qui s’était engagé dés juillet 40 chez de Gaulle et qui avait fait le Liban avec les fusiliers marins. Il avait rejoint Kieffer en juin 1943 avec tous les gars de la troop 8. Sur cette photo que je garde sur moi et qui a été prise à Amfreville il y a 15 jours, on le voit tout à fait à gauche avec Priez. C'était un gars solide, il venait d’avoir 20 ans.
C’est Lardennois qui est allé récupérer le corps devant nos lignes. On a enterré Guy Laot avec tous les honneurs qu’il méritait. De ma vie je n’ai jamais vu une cérémonie aussi triste. Même les mots d’espoir de l’abbé de Naurois n’y ont rien fait. On sent tous le poids d’une terrible injustice. Aujourd’hui l’un des nôtres pleure en silence, inconsolable...