Vendredi 16 juin. Aujourd’hui branle bas de combat, on quitte Amfreville et notre ferme près du château pour s’établir sur des positions plus avancées. Sur le chemin, macabre découverte : des cadavres d’animaux partout, gonflés, couché sur le dos, les pattes en l’air, et surtout une puanteur indescriptible. On accélère, en file indienne, et on se retrouve maintenant à gauche d’Amfreville près de la route de Cabourg et de Franceville.
Comme on se retrouve isolés face aux lignes allemandes, il faut bien défendre notre position. On installe des rangs de barbelés autour de notre campement, on place nos 4 mitrailleuses et deux Bren-Guns en batterie et on se remet à creuser des tranchées. Encore une fois... A la longue on va devenir de vrais terrassiers. J’en profite pour placer ici et là des boites de conserves vides pour faire du bruit au besoin, même si je sais bien que les Fritz n’aiment pas beaucoup sortir la nuit.
Enfin on est installés. Mais il y a toujours cette puanteur, intenable ! Cette fois-ci ce sont des cadavres allemands en décomposition qui sont autour de nous. On n’a pas d’autre choix que de les enterrer. Une corvée c’est sûr, mais une nécessité absolue ! L’air est devenu irrespirable dans ce secteur. Alors on fait un trou et on les pousse dedans avec des branches, pour les recouvrir ensuite d’un peu de terre.
Le long d’un chemin, un Allemand a été enterré avec sa botte qui dépasse de la terre. Je le vois à chaque fois que je vais au ravitaillement sur nos arrières. Au début j’avais un peu de mal, mais à la fin de la journée je me rends compte que suis complètement habitué. C’est fou comme la mort peut nous devenir rapidement familière…