Le jour s’est enfin levé. Le brouillard s’est dissipé et on a vu apparaître devant nous une mince bande grise : la terre de France ! C’était incroyable de voir les copains, tous silencieux, en train d’admirer cette terre qu’ils ont pour certains quittée depuis quatre ans. Aujourd’hui on rentre chez nous, les armes à la main, pour virer les Boches !
Pendant que nous étions à l’arrêt, les British ont embarqué dans leurs barges et se placent derrière nous.
Dawson, à la tête de sa flottille, s’est incliné avec un grand geste du bras en direction de la côte et nous a crié : « Passez les premiers, messieurs les Français ! ».
Merci colonel !
Nos barges ont repris leurs progressions et nous sommes maintenant à portée de l’artillerie ennemie qui donne la réplique. Des gerbes d’eau éclatent de tous côtés, les explosions se multiplient, dans le fracas des shrapnels et des balles de mitrailleuses qui viennent heurter la tôle des barges.
On reçoit l’ordre de redescendre quelques minutes en cale afin de se protéger des éclats et d’éviter des pertes inutiles. On boucle nos équipements une dernière fois. Je crois qu’au fond, on pèse tous nos chances à cet instant.
Soudain, on reçoit l’ordre de retourner sur le pont. Les tirs se poursuivent à en être assourdissants. Nous sommes couchés sous un feu d’enfer.