COVID, attentats : comment la peur de l'ennemi de l'intérieur attaque notre conception de l'intimité

Un homme lève le point lors d'un rassemblement à Nantes, en hommage à Samuel Paty, le 18 octobre 2020. ESTELLE RUIZ / HANS LUCAS / AFP

Rien ne nous sera épargné... Multiplication des attaques terroristes, propagation de ce virus dévastateur qui nous empêche de vivre, travailler et aimer sur fond de reconfinement imminent, courbes apocalyptiques du désastre économique et financier qui cachent les difficultés à venir de familles entières, d'hommes et de femmes qui représentent bien plus que des chiffres consignés dans un tableau Excel, nécessairement froid et désincarné... La vie prête peu à sourire en ce moment.

Et pour cause. Covid, attentats... dans les deux cas, c'est la question de notre intimité, de notre géographie personnelle, qui est interrogée. C'est notre représentation du monde extérieur est touchée de plein fouet.

En temps de covid, la sphère publique est devenue une menace puisqu'il nous faut nous calfeutrer pour ne pas contaminer et être contaminés. Mais ce n'est pas la seule dimension à être impactée. La sphère intime est aujourd'hui ébranlée. Nous savons que c'est au sein même de nos propres foyers, auprès de nos proches, que nous pouvons être touchés. Comment vivre avec l'angoisse de transmettre cette maladie à un parent âgé ? Comment ne pas distendre les liens qui nous unissent et nous permettent de faire société ?

De la même façon, c'est dans nos villes et villages, dans nos quartiers, au plus près de notre quotidienneté et de nos repères géographiques que les terroristes viennent frapper. Et c'est bien là leur but et la stratégie de la peur qu'ils essayent de déployer pour s'attaquer à nos valeurs, nos modes de vie, notre liberté d'expression. Ils s'en prennent à nos lieux de vie et de sociabilité, de communication et d'interactions. Toucher à notre intimité, intimider les Français, faire douter de la capacité de notre pays à lutter contre la terreur, tenter de nous diviser... Pas de doute, il s'agit de répandre la peur, de médiatiser leurs horreurs pour nous faire abdiquer.

D'un côté, c'est toute notre géographie personnelle qui est remise en cause par les attentats. Elle qui en temps de paix est une enveloppe protectrice. De l'autre, ce sont nos foyers, qui sont habituellement des lieux de ressourcement, qui sont menacés par ce virus incontrôlable.

La contagion émotionnelle est inévitable. Il va falloir du temps pour décrypter l'impact sur nos représentations et nos perceptions de l'intimité. L'heure n'est pas encore à l'analyse, il va falloir du recul pour un meilleur discernement,  mais j'ai tendance à me penser que nous ne sortirons pas indemnes de ces attaques répétées à l'encontre de nos intimités.

Face à ces menaces extérieures qui viennent s'immiscer dans nos sphères les plus intimes, difficile d'appréhender l'impensable. Comment s'assurer que nos lieux de sociabilité et de communication soient préservés ? Comment comprendre ce qui semble n'avoir aucun sens ? Comment résoudre ce "trou" dans la pensée ? Un jour nous nous pencherons sur toutes ces questions. Et si “vivre sans espoir, c’est cesser de vivre” écrivait Dostoïevski, nous devons d'ici là émettre beaucoup de lumière. 

Anne-Claire Ruel

 

Publié par Anne-Claire Ruel / Catégories : Actu