Voeux (pieux) pour la communication politique

L'ancien président Nicolas Sarkzoy, le 30 janvier 2014 à Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime). (XAVIER LEOTY / AFP)

Paris, le 30 janvier, 19:03, très exactement. 

"- Tu le commences quand ton blog ?

- Je ne sais pas, j'ai pas d'inspiration.

- Tu te fous de moi, t'as vu l'actu ?!

- Ouais, mais c'est le premier post, je voudrais écrire un truc intelligent. Un papier comme Philippe Moreau-Chevrolet, tu vois.

- T’es sûre-sûre que tu veux vraiment faire ça ?

- Si j’écris quelque chose qui me ressemble, ça va être nombriliste, nan ? Qu’est-ce qu’ils vont se dire les mecs de Francetv info ?

- Bah que c’est un blog.

- C’est vrai que c’est pas faux."

On ne va pas se mentir, des semaines que j’évite mon ordinateur. Priant secrètement pour que la rédac’ m’ait oubliée. Manque de bol, le 30 janvier à 19:30, DM sur Twitter de Thibaud Vuitton, chef à plumes de Francetv Info : « Bon Anne-Claire, c’est pour quand ce blog ? 🙂 » Alors, c’est décidé. Aujourd'hui, face à vous, j’abdique, je capitule, je renonce… à écrire sérieusement. Et je vous adresse solennellement mes vœux pour la communication politique (il est encore temps, nous sommes le 31).

Pour que Nicolas Sarkozy arrête la Com’ à la Papa

Entendez-vous au loin le bruit assourdissant du retour de Nicolas Sarkozy ? Celui qui prônait la stratégie de la rareté de la parole publique, a visiblement changé d’avis. Enfin, disons plutôt qu’il n’a tout simplement JAMAIS quitté l’espace médiatique. Volonté de s’imposer dans l’agenda pour se rappeler au bon souvenir de ses sympathisants -grands adeptes du culte du chef-, tentative de contournement d’une primaire et envoi de ses fidèles hussards au front pour prêcher la bonne parole… Les commentateurs de tous bords ont déjà tout décrit.

A vrai dire, si son plan d’attaque consiste à assurer, "croix de bois, croix de fer", qu’il ne veut pas de la Présidence tout en saturant l’espace médiatique, il est fort à parier que cette com’ à la Papa va commencer à lasser l’opinion, pas franchement dupe du stratagème. Quant aux ténors de l’UMP, passablement irrités en coulisses, ils ne se laisseront pas ainsi voler le premier rôle. Sortez le pop corn. La "Compol", saison 2, débarque sur vos écrans.

Pour que François Hollande découvre –enfin- les réseaux sociaux

Alors même que Nicolas Sarkozy, tel un « shadow Président», poste sur Instagram ses bons vœux aux commerçants de son quartier, François Hollande se montre « soucieux de la riposte sur les réseaux sociaux ». Nous sommes donc le 31 janvier 2014 et François Hollande a décidé que la riposte en ligne, c'était important… « Je décède là », entend-t-on dans les rangs de ses partisans 2.0 à l’annonce de cette nouvelle. OUI, les réseaux sociaux font partie intégrante de la communication en ce qu’ils permettent de se détacher des partis, de prendre la parole auprès de ses sympathisants tout en s’affranchissant des médias pour jouer la carte de la proximité. Et OUI, ils ont remplacé le communiqué envoyé à l’AFP depuis un moment déjà. Bienvenue en 2014 !

Pour que Laurent Fabius en finisse avec l'imagerie d'une diplomatie de boudoir 

53 pays visités, 500 000 kilomètres parcourus, des otages libérés, mais pour résumer son année diplomatique, le quai d’Orsay choisit de nous montrer Laurent Fabius… serrant des mains. Le tout sous les ors étincelants du ministère des Affaires Etrangères ou posté sagement derrière un pupitre éclairé par le crépitement des flashs. Le seul ministère susceptible d’être montré en images et en action, réduit à une campagne de communication pour diplomates d’opérette, fantômes compassés de bureaux dorés. Avouez qu’en termes de storytelling et de pédagogie auprès du grand public, on a vu mieux.

Alors, NON, ce blog ne se résumera pas à de la communication politique, rassurez-vous…(On y parlera AUSSI de Julie Gayet et de François Hollande -je plaisante, quoique...-)

En attendant, et si en ces temps troublés, la communication politique évoluait afin que le fossé ne se creuse pas plus encore avec les Français malmenés par la crise… Et si les mises en scène cathodiques artificielles, héritées d’une conception de la communication verticale, galvaudée et usée, disparaissaient un tant soit peu… Et si les hommes politiques comprenaient que -désormais aguerrie aux « coups de com’ »- l’opinion publique dénonce les buzz factices à force de tweets, de likes, de partages et de posts… Alors ils ne se borneraient peut-être plus à être et agir comme « un produit de la sous-culture de masse, un artefact à l’image de n’importe quel personnage de série ou de jeu télévisé* ».

On peut toujours rêver.

Anne-Claire Ruel

 

*SALMON Christian, La cérémonie cannibale, De la performance politique, Fayard, 2013, p.10