G7, Episode #1 : le récit depuis la zone rouge

La Grande Plage au coucher du soleil - Anne-Claire Ruel

Pendant toute la durée du G7, Anne-Claire Ruel, notre blogueuse spécialiste de communication se trouve à Biarritz. Elle nous décrit l'envers du décor de ce sommet, côté habitants : des formalités d'obtention du sésame pour circuler à l'arrivée des premières délégations, voici le récit, en plusieurs épisodes, de cette petite épopée. 

EPISODE 1

Jeudi 22 août, 13h15.

Les vagues viennent mourir sur la grande plage dans un va-et-vient hypnotique. Déjà les surfeurs ont sorti leur planche. Les lignes sont belles. Nous sommes le jeudi 22 août et je dois retirer mon badge de résidente, hébergée "zone rouge". Soit la zone la plus proche du Palais. Cela tombe bien, je sors de mon cours de yoga, non loin de là. Un petit crochet et le tour est joué. La préfecture, prévenante, m'avait envoyé un mail quelques jours auparavant pour m'indiquer la date et le lieu de cette formalité. Mais voilà, en franchissant pleine d'allant la porte du bâtiment du centre 3A, square d'Ixelles, je comprends que l'attente va être longue. Très longue. Déjà une queue se forme à l'extérieur. Une jeune fille aux cheveux longs et jupe rouge nous accueille en nous donnant un ticket. De petits tickets en bristol vert quadrillés avec une inscription manuscrite. J'écope du numéro 8 et trouve bientôt une place assise. Nous devons être une petite centaine sur des chaises et bancs en plastique faisant face à des bureaux d'appoint installés dans cette salle municipale. Des jeunes enfants endormis, des habitants plus ridés... Au loin visible de tous, le graal : les cordons violets, oranges et verts des badges tant attendus. Nous ne le savions pas encore, mais ces oriflammes allaient bientôt devenir les porte-étendards de notre identité. Toute la ville allait finir badgée. "48 !" La jeune femme venait d'annoncer le nouveau numéro, appelé au petit bureau. 48... 48 ? Non, mais 48 sur combien ? J'entends un homme, sans doute tout aussi interloqué que moi, lui demander : "mais jusqu'à quel numéro vont les tickets ?" Non parce que si les chiffres et le temps sont infinis, le G7 sera terminé qu'on ne sera pas sorti. "100". Le verdict tombe, implacable. Je prends mon mal en patience. Après tout, je suis en vacances et j'ai de la lecture.

Les heures s'écoulent. Deux très exactement. Certains perdent leur sang froid et s'en vont en soufflant bruyamment, sans leur sésame. Mes pensées s'emballent : est-ce un test pour déterminer qui seront les citoyens les plus méritants ? Ceux-là même qui finiront par obtenir satisfaction ? Surtout, ne pas céder. Rester souriante. Tenir le choc. Garder son calme. C'était quoi déjà le truc appris au yoga ? Respirer doucement... Oui, c'est ça... Une femme parvient enfin au bureau. Sans crier gare, elle entre dans une colère noire et part en vociférant. À son bureau, l'employée reste stoïque et souriante. Visiblement, la résidente, passablement énervée, n'avait pas effectué les démarches préalables à l'obtention du badge et ne disposait pas de tous les éléments. Car, oui, que vous veniez faire les démarches préalables ou retirer votre badge, c'est la même file d'attente. Les salles d'attente... Des moments vacants subis... A-t-on déjà mesuré la moyenne du temps passé dans les salles d'attente ? Compte-t-on en jours ou en années dans une vie ? Et si la vie, c'était une grande salle d'attente, avant de parvenir à une nouvelle porte ? Je divague... Mes yeux glissent vers la moquette murale qui recouvre les murs. Une affichette indique : "Il est strictement interdit de toucher aux rideaux. Demander à une animatrice, merci". J'ai presque envie d'essayer. Que se passerait-il si je tentais ? Serais-je évacuée de force de cette salle bondée pour avoir contrevenu à la sacro-sainte règle ? Sur la vitre, juste à côté, une autre feuille scotchée derrière les stores : "Merci aux joueurs de carte de respecter les animations dans la grande salle (loto, chorale, vidéo projection). Les jeux pourront reprendre à la fin des diverses prestations." Ils me sont d'emblée sympathiques. Les joueurs de carte, ces anti-systèmes. Si ça se trouve, ce sont les leaders du contre-G7. Depuis des mois, ils fomentent des plans pour envahir Biarritz d'affichettes militantes.

"- Numéro 8 !". Je sors de la torpeur. Mais oui, c'est mon tour. Enfin assise sur la petite chaise face au bureau, l'inquiétude m'envahit. Et s'ils ne trouvent pas mon badge, et s'il n'avait pas bien orthographié mon nom, vais-je devoir revenir à nouveau ? La jeune femme souriante face à moi se lève et part au fond de la pièce vers des petits bacs transparents installés sur des étagères. Elle revient avec une enveloppe marron. À l'intérieur, mon sésame. Une signature sur le contenant et le tour est joué. Je sors du centre. La chaleur est accablante. Les cars de CRS stationnent impavides. Je vais pouvoir librement circuler pendant le sommet.

La suite au prochain épisode.

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Publié par Anne-Claire Ruel / Catégories : Actu