Selon le baromètre politique Elabe pour "Les Echos" et Radio classique, le chef de l'Etat gagne à nouveau 2 points de confiance, à 42%, soit 4 points en deux mois. Pas suffisant, pour franchir allègrement la barre des 50% de bonnes opinions et il est fort à parier que l'image du "président des riches", tout du moins de l'injustice sociale, sera difficile à corriger tant elle semble cristallisée. Mais qu'à cela ne tienne, le Beer test de l'IFOP et Coriolink le place en tête de son classement : 44% des Français aimeraient partager une bière avec lui. Ce sondage, venu tout droit d'outre-atlantique, permet de mesurer le "likabilityfactor", soit le degré de convivialité ou de sympathie des candidats. Une première en France et une nouvelle victoire pour Emmanuel Macron. Son style tout à la fois pyramidal et transversal semble s'affirmer avec un succès là où ses prédécesseurs ont échoué. Comment expliquer cette réussite ? Non pas par la politique menée -les résultats se font encore attendre- mais par une forme d'agilité à la manière d'un Bruce Lee, icône de la pop culture, tout à la fois réalisateur, acteur et producteur américain, connu pour sa pratique des arts martiaux. A la manière d'un Bruce Lee, donc, notre président est on ne peut plus plastique ou... liquide.
"Sois comme l’eau"
Vif, souple, élastique... Emmanuel Macron sait instinctivement se repositionner à la vitesse de l'éclair pour éviter les balles médiatiques perdue, sans se briser sur l'écueil de la temporalité. L'homme réagit au quart de tour pour s'adapter à son environnement, quitte à user de la violence, conscient de l'enjeu de célérité dans un monde où les politiques sont sous placés sous l'oeil attentif du Leviathan médiatique. Si la communication présidentielle est assurément une communication de crise permanente, Emmanuel Macron a fait sienne la devise chère à... Bruce Lee : be water. "Sois comme l’eau (...) Adapte toi à l’objet et tu trouveras un moyen de le contourner ou de passer à travers. Si rien en toi ne reste rigide, les choses extérieures vont se révéler. (...) Sois informe. Informe, comme l’eau". De l'enterrement de Jean d'Ormesson où il a prononcé un discours poétique à celui de Johnny Halliday éminemment populaire le lendemain, Emmanuel Macron s'adapte. Parfois à l'excèse lorsqu'il prend les habits qui ne sont pas les siens. Il revêt le costume d'aviateur à Istres, de marin dans un sous-marin, de boxeur pour assurer la promotion des JO 2024, voire de standardiste de l'Elysée. Péché de communication.
"Comme le cobra, votre coup doit être senti avant d'être vu"
Lors du meeting de Bobigny où il n'était pas attendu durant la campagne, Emmanuel Macron dément sur scène et non sans humour, les rumeurs sur sa prétendue homosexualité : "Pour mettre les pieds dans le plat, si dans les dîners en ville, si dans les boucles de mails, on vous dit que j'ai une double vie avec Mathieu Gallet ou qui que ce soit d'autre, c'est mon hologramme qui soudain m'a échappé mais ça ne peut pas être moi !" Du jamais vu en politique où la vie intime reste privée : il prend de court ses adversaires qui ne s'y attendaient pas, très professionnellement, en balayant lui-même le qu'en-dira-t-on d'un revers de la main, sourire éclatant, avant que ce brouhaha parisien ne mette à mal sa campagne et ne devienne critique. Une manière agile de protéger sa femme et donc in fine de se protéger tout en poursuivant la construction de son personnage médiatique : l'homme qui parle sans détour.
"Pour se connaître soi-même il faut s’étudier en action avec une autre personne."
La fin de la campagne a précisément marqué un tournant décisif pour Emmanuel Macron qui s'est alors opposé frontalement à Marine Le Pen, notamment face aux salariés de Whirlpool en décidant -au dernier moment- de changer ses plans pour venir à la rencontre des grévistes. Ces derniers venaient de recevoir la visite inopinée de la présidente du Front National. Autrement dit, Emmanuel Macron a compris qu'il lui fallait impérativement quitter cette réunion inter-syndicale digne d'un autre temps pour se rendre dans l'arène et interpeler directement les salariés. C'est-à-dire rejoindre la candidate sur son terrain de jeu de prédilection à un moment où l'avantage médiatique était à la présidente du Front National. S'il n'est absolument pas à l'aise lorsqu'il s'agit de lire un texte, face caméra -on se souvient de ses voeux aux Français-, il excelle dans ce type d'exercice où la spontanéité, le contact physique et la prise de risque sont de mise. Comme lors de son déplacement à Ouagadougou aux étudiants burkinabè où il joue de sa proximité générationnelle. Idem lors qu'il est question d'utiliser la méthode macron, la caresse et la claque, avec Donald Trump et Vladimir Poutine. Habilement, Emmanuel Macron surfe sur la popularité de ces acteurs majeurs pour créer et développer sa marque à l'international. En un mot, il s'associe à d'autres marques, plus puissantes, pour paraître leur égal. Bref, il fait de la communication.
"Au diable les circonstances, je crée les occasions"
La démission du général Pierre de Villiers suite au 14 juillet sonne comme un coup de tonnerre dans le ciel Elyséen. Les images de son départ, salué par les siens tourneront en boucle sur les chaînes d'information continues. Qu'à cela ne tienne, Emmanuel Macron s'en sert comme faire-valoir de son autorité, le tout sur un plateau du Vélo Club de France 2 lors du Tour de France : "Je veux rendre hommage au général de Villiers qui est un militaire de grande qualité et qui a servi avec responsabilité et dignité l'État pendant plusieurs années. Et je veux vraiment lui rendre hommage." Il évoque alors la nomination comme chef d'état-major de François Lecointre en taclant son prédécesseur : "Il aura non pas un budget à défendre, parce que ce n'est pas le rôle du chef d'état-major, c'est le rôle de la ministre des Armées. Il aura des troupes à conduire, des opérations à mener, une stratégie, des capacités à défendre et à proposer au chef des armées qui est le président de la République. C'est comme ça que la République fonctionne bien. Voilà." Il s'agit pourtant d'une faute politique, lui qui n'est pas très à l'aise sur l'ensemble des sujets régaliens. Cela lui vaudra d'essayer de se rapprocher par la suite de la Grande Muette en revêtant ses habits par la suite.
"La connaissance donne le pouvoir, mais la force de caractère entraîne le respect"
"Une gare, c'est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. Parce que c'est un lieu où on passe. Parce que c'est un lieu qu'on partage" a expliqué Emmanuel Macron lors de l'inauguration de la Station F en juillet. En septembre, il s'en était pris aux "fainéants" qui s'opposeraient à la loi Travail. "Je ne suis pas le Père Noël parce que les Guyanais ne sont pas des enfants", a déclaré le chef de l'État à Maripasoula en Guyane. Plus tard, sous le regard des caméras, il dira à une marocaine demandant l'asile ce qui est parfaitement impensable venant de quiconque autre que lui : "si vous n’êtes pas en danger, il faut retourner dans votre pays". La mise est scène est totale. Emmanuel Macron vampirise la droite en assumant ses thématiques avec des propos d'une violence verbale qui étonne. Et pourtant, pas de levée de boucliers, ni indignation, tant les oppositions se sont délitées, inaudibles. Sans doute fait-il sienne la maxime de Bruce Lee : la force de caractère entraîne le respect. A ceci près que le leadership ne s'affirme pas, par définition il s'impose comme une évidence à tous.
"Les choses vivent parce qu’elles bougent et gagnent de la force en bougeant" disait Bruce Lee. Appliqué à Emmanuel Macron, ce mouvement perpétuel et l'emphase mis sur la théâtralisation et donc communication -tout en s'en défendant- semble aussi un moyen de détourner le regard des sujets de fond.
Anne-Claire Ruel
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