Après avoir affirmé que les photos parues dans Paris-Match il y a quelques semaines, étaient une erreur de sa femme (on appréciera), voici qu'Emmanuel Macron récidive de plus belle dans le même magazine. Arborant son plus beau maillot de bain, il se promène main dans la main avec Brigitte, sa compagne. Cela ne vous rappelle rien ? Il y a deux ans déjà, Nicolas Sarkozy et Carla Bruni faisait la Une du support, titré pour l'occasion "deux amoureux en vacances". Elle mettait en scène les protagonistes sur un scooter au Cap Nègre. En découvrant l'encart, j'avais déjà été prise d'un fou rire comparable à celui provoqué à la vue du Ministre de l'Economie croisant un naturiste dans les pages du magazine aujourd'hui. "Le bain de mer de Giulia sur une plage publique"."Publique"... Fin juillet 2014, Nicolas Sarkozy, homme du peuple, n'hésitait pas s'afficher "publiquement" parmi les vacanciers. Publi-rédactionnel, j'écris ton nom. Et c'est également le cas avec Emmanuel Macron. Comme avec pléthore de politiques précédemment, tant cette stratégie de communication éculée a fait son temps. Alors pourquoi persister quand on se veut "moderne" ? Le point sur la question.
Parce que Paris-Match, c'est "LE" moyen de toucher l'électorat féminin hors de Paris
Paris-Match associé à l'été, c'est "le" média et "la" période idéale pour s'adonner au people. "Où les politiques passent-il leurs vacances cette année ?" Un air de déjà-lu ? Les papiers sur la destination de vacances des politiques sont un marronnier de l'été. En témoigne le rituel sondage estival : "Avec quels hommes politiques les Français préfèreraient partir en vacances ?" Transparence oblige, il faut révéler son lieu de villégiature aux médias. Et tant qu'à faire, il serait de bon ton qu'il soit rattaché à un ancrage familial, par souci d'authenticité et de sobriété. Mais pour vivre heureux, vivons cachés : cela n'empêche pas certaines personnalités politiques de refuser catégoriquement de communiquer sur leurs vacances. Il n'empêche, les vacances sont par définition "LE" moment people des politiques. Nicolas Sarkozy a ainsi utilisé ses clichés de vacances pour déconstruire l'image "bling-bling" de son précédent mandat. Faire oublier ses vacances sur un yacht mouillant dans les eaux maltaises. Montrer que les "affaires" n'ont pas de prise sur sa sérénité. Nourrir son image d'homme encore jeune car sportif, avec un enfant en bas âge. Et cette stratégie ne date pas d'hier. Georges Pompidou aux commandes d'un bateau "Arcoa" avec son épouse Claude le photographiant lors de leurs vacances à Brégançon. François Mitterrand se promenant à Belle-lle-en-Mer ou bien encore à Latché. Jacques Chirac prenant des bains de foule à Brégançon. Le politique se met en scène pour donner à voir l'image d'une femme ou d'un homme proche de ses concitoyens. Celle d'un mari, d'un père de famille, d'un ami. Ici Emmanuel Macron tente de séduire l'électrice non parisienne, amatrice du magazine et qui fait souvent la différence dans les scrutins, même si les journaux se vendent moins. Sans compter que Paris-Match, c'est une campagne de publicité "print" gratuite à elle tout de seule ! Sur tous les kiosques de France et de Navarre, les photos s'affichent en grand. Pas besoin d'acheter le magazine pour être soumis à la stratégie de communication. Un bémol. Lorsque cela débouche sur l'organisation d'un véritable "roman-photo" au service du storytelling personnel, la ficelle est si grossière qu'elle produit l'effet inverse. L'homme politique qui veut paraître "normal" devient alors un "poseur" anti-naturel aux antipodes des Français.
Parce qu'Emmanuel Macron a la voie libre : François Hollande ne veut surtout pas laisser paraître de photos de lui "au repos"
En temps de crise, c'est bien connu, on prend du "repos", on ne part pas en "congés". "Je ne vous souhaite pas bonnes vacances puisque vous n'êtes pas censés en prendre", lancera François Hollande à ses ministres lors du Conseil du 19 décembre 2012. En 2016, même consigne rapportée dans les colonnes de Paris-Match : "Vous devez rester en alerte en permanence et vous tenir prêts, car l'horreur peut surgir à tout moment". Il faut dire que le Président a compris la leçon. Ses balades en bermuda à Poquerolles et en maillot à Brégançon le firent chuter de 11 points dans les sondages. Depuis, exit les vacances. Les Français ne lui ont jamais pardonné. Consigne a donc été donnée : les ministres peuvent partir en vacances, mais leur lieu de villégiature ne doit pas être situé à plus de deux heures de Paris, exception faite des ministres originaires d'outre-mer. A tel point qu'une cartographie de leurs points de chute pourrait se confondre avec le tracé du Tour de France : la Provence pour Manuel Valls ; le Vaucluse pour Jean-Jacques Urvoas ; l'île d'Yeu pour Jean-Vincent Placé, Laurence Rossignol et Michel Sapin ; Asquins pour Marisol Touraine ; l'Isère pour Thierry Mandon... Seule Ségolène Royal partira en Arctique du 17 au 21 août pour une expédition scientifique sur le réchauffement climatique. Il faut donner l'image d'un gouvernement peu dépensier et mobilisé. Ainsi, un conseil de défense aura lieu chaque semaine pendant les congés accordés aux ministres les 11 et 18 août. Résultat ? Emmanuel Macron bénéficie d'une véritable fenêtre de tir médiatique. Pas l'ombre d'un concurrent.
Le ministre de l'Economie entend donc, comme ses prédécesseurs, donner l'image d'un homme libre, serein, reposé et donc apte à exercer une fonction d'autorité."Mens sano in corpore sano", cette citation extraite de la dixième Satire de Juvénal répond également à un objectif de communication : donner à voir l'image d'un homme si ce n'est sportif, tout du moins, en forme. Valéry Giscard d'Estaing en maillot de bain sur un rocher, Dominique de Villepin sortant des eaux, Nicolas Sarkozy sur son vélo sont des images associées à notre panthéon collectif du roman-photo des vacances politiques. A coups de suggestions imagées, on associe le corps, l'effort sportif, à un homme pour lui en attribuer les qualités symboliques de force et de... virilité. Un flagrant délit de com' à la papa en somme.
Anne-Claire Ruel
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