Olivier Dussopt, le secrétaire d'Etat 'et en même temps'

© JACQUES DEMARTHON / AFP

Derrière les frêles épaules d'Olivier Dussopt, se cache un tempérament de poids léger combattif. En 2014, pour la première fois, l'élu de l'Ardèche fait la rencontre d'Emmanuel Macron dans les couloirs de l'Assemblée. Il lui décoche alors sa première droite : "Je me nomme Olivier Dussopt, je suis député de l'Ardèche. Ma mère est ouvrière, n'a pas de diplôme et a été licenciée à deux reprises. Vous l'avez insultée, ce matin sur Europe 1", rapporte le Canard Enchaîné. Le député lui aurait alors reproché d'avoir un comportement de "connard" et d'avoir fait preuve de "mépris" envers les ouvrières illettrées de Gad. Le ton était donné. Peu de temps après cet incident, le futur Président de la République s'est excusé publiquement. Après ces premiers échanges orageux, en 2015, le député est chargé de travailler sur l’adaptabilité des collectivités locales à la loi Croissance et Activité d’Emmanuel Macron. Il fait ainsi plus ample connaissance avec le ministre. Parler aujourd'hui de "prise de guerre" ou de "vraie surprise" est complètement artificiel de la part de certains médias. Les signes avant coureurs était légion. Depuis quelques temps déjà, le député de l'Ardèche avait indiqué qu'il accepterait de franchir le Rubicon les séparant si le château lui demandait. Récemment son retrait de la boucle de discussion des députés PS sur whatsapp était un signe de plus à mettre au crédit de sa probable nomination sans compter les interventions de certains proches dans les médias. C'est dire le peu de suspens entourant sa nomination au poste de Secrétaire d'Etat à la fonction publique. Si l'opinion risque d'être totalement imperméable aux changements opérés au sein du gouvernement, nommer Olivier Dussopt est une aubaine pour le Président dans sa stratégie implacable d'éradication de toute opposition.

Parce qu'il permet à Emmanuel Macron d'envoyer un signal à Manuel Valls et en même temps l'élimine du champ

Choisir Olivier Dussopt, c'est aussi faire entrer au gouvernement l'ex porte-parole de Manuel Valls lors de la primaire citoyenne. Pour Le Monde il s'agit là d'un signal envoyé à l'ex premier ministre de François Hollande. Pas si sûr.  Car nommer un proche de l'ex premier Ministre qui fait beaucoup parler de lui en ce moment, c'est aussi éliminer Manuel Valls de la donne... Comme l'explique très clairement l'Opinion : "Alors que l’ancien Premier ministre ne cache pas son envie de revenir aux affaires, et fait courir le bruit qu’Édouard Philippe souhaiterait l’avoir dans son exécutif, le Président lui fait un pied de nez en recrutant l’un de ses proches. « Il a pris un vallsiste, c’est fini pour Valls ! », regrette un député LREM favorable au retour du député de l’Essonne." Emmanuel Macron révèle au fil du temps des qualités de stratège indéniable pour réduire toute opposition à néant. Hors extrêmes, pas de quartier. Le tout en piégeant son nouveau secrétaire d'Etat : ce dernier, qui s'opposait il y a quelques jours, rejoint le camp opposé. De quoi accentuer l'impression de brouillage idéologique et d'opportunisme ambiant. A quoi bon voter pour des députés qui font fi de leurs convictions une fois appelés par l'Elysée ?

Parce qu'il est président de l'Association des petites villes de France et en même temps rejoint le camp de la centralisation

L'hostilité des maires de France, dont certains sont bénévoles s'ils renoncent à leurs indemnités, ne cesse de grandir. Dans un monde où les corps intermédiaires tentent à disparaître sous l'effet du jacobinisme ambiant, le Président et les maires sont les deux seuls visages connus des usagers. Or, la ruralité, l'organisation des territoires et la répartition des richesses seront très certainement les enjeux fondamentaux des années à venir. A ce titre, les deux derniers quinquennats ont totalement échoué sur les problématiques de proximité et d'émancipation des territoires. La déception est grande. Quant au parti d'Emmanuel Macron, il reste hors sol dans la mesure où il est très faiblement ancré sur le territoire. Emmanuel Macron n'ayant jamais exercé de mandat local. Avec Olivier Dussopt dans son camp, c'est l'assurance d'obtenir un relai auprès de cette "cible" qui reste à "portée d'engueulade" comme il est coutume de dire. L'inquiétude des maires c'est aussi l'inquiétude des usagers, des citoyens quant aux services publics. Dans un contexte où il est demandé 13 milliards d'économie aux collectivités sur 5 ans, leur angoisse semble parfaitement compréhensible. Et qui mieux qu'un désormais ex député de la mission d’expertise portant sur la réforme du financement des collectivités locales et de la fiscalité locale pour comprendre les enjeux à long terme. 

Parce qu'il a voté contre le projet de finances et en même temps devra l'appliquer concrètement

Fils d'ouvrier, son parcours témoigne non seulement du vieux monde où il a effectué toute sa carrière de Sciences Po Grenoble en passant par tous les échelons militants, mais il est aussi le symbole de l'ascension sociale dans un pays où les classes populaires doutent de plus en plus de faire partie du projet présidentiel perçu comme injustes et uniquement favorable aux "premiers de cordées". Olivier Dussopt, qui n'a pas voté la confiance au gouvernement en juillet, a combattu avec force la loi de moralisation de la vie publique et a également voté contre le projet de finances, alors que le Président tentait déjà d'ouvrir la discussion pour une possible entrée au gouvernement peut rassurer certains électeurs de gauche. Proche de Benoît Hamon il y a 17 ans, il est ensuite devenu un aubriste de premier plan, notamment lors de la primaire de la gauche en 2012. C'était sans compter l'ascension de Manuel Valls au poste de premier ministre qui l'a irrémédiablement attiré vers le pouvoir. Cependant, s'il a soutenu l'ex locataire de Matignon lors des primaire, en 2017, il a loyalement oeuvré -avec le succès que l'on sait- pour la campagne du candidat Benoît Hamon quand Manuel Valls a pris -lui- la poudre d'escampette. Lors des législatives, pourtant confronté sur son territoire à une candidate LREM, Olivier Dussopt réalise 56% des voix. Un exploit. Lors de ce scrutin, l'ancien benjamin de l'Assemblée nationale a plus que jamais consolidé son ancrage sur le territoire.

Parce qu'il est en faveur de la PMA et en même temps, sera confronté aux marcheurs partagés sur le sujet

Autre sujet sur lequel Olivier Dussopt s'est fait remarqué et offre la possibilité à Emmanuel Macron de se montrer un peu plus ouvert aux idées progressistes, le mariage pour tous et la PMA : «On se plaît à répéter la devise républicaine, mais on semble oublier que la réalité de ces trois mots n’est pas la même pour tout le monde », a déclaré le député lors de l'introduction à son discours, mercredi 30 janvier 2013, à l’Assemblée nationale en rendant hommage à celles et ceux qui ont marqué l’histoire en luttant pour la dépénalisation de l’homosexualité ou en votant pour le pacs. «Mais je veux surtout penser à celles et ceux qui attendent ce texte. Je pense à ces familles qui existent, ces enfants qui grandissent, entourés de l ‘amour de leurs parents au sein de couples de même sexe, ces familles que nous allons sécuriser et protéger en ouvrant l’adoption.» Seul problème, si Emmanuel Macron se montre favorable à la PMA, ce n'est pas franchement le cas de toute sa garde rapprochée alors qui Olivier Dussopt devra néanmoins collaborer.

Alors Emmanuel Macron, fin stratège et leader du nouveau monde post-politique, poursuit-il son travail de sape de toute opposition ou est-il en train de faire entrer un futur frondeur dans la bergerie ? L'histoire nous le dira. A moins que dans un sursaut, les clivages d'antan ne renaissent de leurs cendres... Les idéologies politiques sont mortes. Vive les idéologies politiques.

Anne-Claire Ruel

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