Emmanuel Macron : l'APL aux dons

Emmanuel Macron, le 29 août 2017 à Paris. (YOAN VALAT / AFP)

Branle-bas de combat ! Jupiter est descendu de l'Olympe hier pour s'exprimer face aux Préfets. L'objectif ? Exhorter ces fonctionnaires à devenir des "entrepreneurs de l'Etat". Vaste programme.... Il y aurait beaucoup à dire sur cette vision managériale de l'Etat perçu comme une grande entreprise où les comptes doivent être équilibrés. Mais ce qui a frappé les esprits est tout autre. Il s'agit d'une injonction déclamée avec la plus grande des assurances : "J'appelle publiquement tous les propriétaires à baisser les loyers de 5 euros". Ni une, ni deux, les réseaux sociaux se sont emparés de l'expression pour la tourner en dérisionComment expliquer cette sortie présidentielle qui a tout de l'improvisation ? Et quel peut-être son impact sur une opinion déboussolée ?

Pour l'expliquer, une grille de lecture selon deux axes. La première raison invoquée peut-être conjoncturelle. Toute la séquence sur les APL, amorcée cet été, a été pour le moins désastreuse, voire même meurtrière : de l'annonce par Matignon de la baisse des APL le 22 juillet, à la sortie sur le sujet de Gérald Darmanin en passant par la reprise des propos qu'auraient tenus Emmanuel Macron sur le sujet par le Canard Enchaîné ("une connerie sans nom"), le message est confus, balbutiant, incertain et anxiogène. Augmentation de la CSG, diminution des APL... La puissance symbolique de ces mesures est dévastatrice. Une bombe à fragmentation. Désormais pour les Français, le gouvernement s'en prend aux plus faibles selon les récentes études d'opinion. Qu'à cela ne tienne, en sommant les propriétaires de réduire leurs loyers de 5 euros, Emmanuel Macron semble jouer les "pompiers pyromanes" en tentant un contre-feu explosif pour reprendre la main médiatique. Un coup de com' en somme. Une sortie à l'emporte-pièce, simpliste et surtout irréalisable, hors contexte et non présentée dans le cadre d'une réforme -pardon "transformation"- plus globale -ce qui aurait été plus à propos-. A trop négliger les sujets budgétaires, les voilà qui reviennent en boomerang : "Tous les feuilletons de l’été, si douloureux pour le pouvoir, ont une origine budgétaire: le gel de quelques centaines de millions d’euros d’investissements pour le budget de la Défense et c’est l’affaire de Villiers qui éclate; cinq euros de baisse sur l’Aide personnalisée au logement (APL) et c’est le procès en insensibilité sociale du Président et de son gouvernement qui est instruit; 300 millions d’euros de diminution des dotations aux collectivités locales et c’est la défiance des élus locaux qui est réactivée" rappelle à juste titre Jean-Louis Missika, sociologue et adjoint à la mairie de Paris.

A cette analyse s'ajoute une donne structurelle.“Le plus farouche orgueil naît surtout à l'occasion d'une impuissance” écrivait Paul Valéry. La sortie d'Emmanuel Macron souligne une fois de plus l'impuissance du politique qui peine à trouver des leviers d'action ainsi que la confusion public/privé savamment distillée depuis le début de son quinquennat. La question en jeu est celle de la conception même de l'Etat chère à Pierre Ronsanvallon. Tout du moins au curseur à placer en matière d'interventionnisme versus incitation fiscale. En 1999, suite à son intervention sur le plateau de France 2 à propos de l'annonce des 7500 licenciements par Michelin, Lionel Jospin fut l'objet d'une bronca générale après voir déclaré qu'il "ne faut pas tout attendre de l'Etat". Emmanuel Macron commence à en prendre la mesure, lui qui apparaît de plus en plus sous les attributs d'image peu flatteurs du "président des riches" (46% de ses baisses d'impôts prévues vont profiter à 10% des plus aisés). De l'épisode du "costard", en passant pas les "illettrées" de Gad, de son intervention à la Station F stigmatisant "ceux qui ne sont rien" à sa déclaration depuis l'étranger sur les "Français détestent les réformes", que ce soit lorsqu'il évoque les "in" et les "out", en filigrane, que l'on le veuille ou non, l'opinion pourrait lui reprocher une forme d'arrogance qui se transformerait en vrai risque d'opinion à terme. Notamment à la veille des manifestations contre la réforme du droit du travail qui peut mobiliser la jeunesse, touchée de plein fouet par le sujet des APL. 

Si l'on en croit le dernier baromètre IFOP-Fiducial-Paris Match, le président de la République a perdu dix points. Dix points... Cela laisse songeur... Une baisse inquiétante, notamment auprès des sympathisants de gauche qui commencent à douter du projet présidentiel. François Bayrou le rappelle à juste titre dans une interview accordée à Ruth Elkrief : il ne peut pas y avoir de quinquennat sans "projet social". Nous serions tentés d'ajouter : qui plus est lorsque vous avez été élu par une partie de l'électorat de gauche. "Le succès ne consiste pas à ne jamais faire d’erreur mais à ne jamais faire la même erreur deux fois” écrivait Bernard Shaw. A bon entendeur. 

Anne-Claire Ruel

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