Nicolas Sarkozy sur LinkedIn : comment toucher les sympathisants d'Emmanuel Macron ?

Le profil de Nicolas Sarkozy sur LinkedIn

Nicolas Sarkozy est visiblement bien conseillé puisqu’il s’essaie depuis le 30 mars 2016 à la publication d’articles sur LinkedIn, notamment pour séduire les électeurs tentés par le nouveau mouvement d'Emmanuel Macron : « J’ai décidé de m’adresser directement à vous, vous qui êtes des millions à échanger sur LinkedIn car c’est ici, sur ce réseau, que se retrouvent de nombreux Français qui cherchent un emploi, se mettent en relation, discutent, s’informent et échangent sur leurs préoccupations professionnelles. » explique-t-il. Cela prêterait presque à sourire : notre ex président ne connaissait pas le leBonCoin.fr avant le 12 mai dernier... Je serais passée totalement à côté de ce sujet si un ami ne l'avait pas pointé à l'occasion de la publication par l'ancien chef de l'Etat d'un article intitulé "ma stratégie économique pour retrouver le plein emploi". Vaste programme, mais là n'est pas la question. Le procédé est habile car bien moins cher qu'une campagne de relations presse, doublé d'une action de communication en soi auprès des cibles à convaincre : les professionnels...et les entrepreneurs ! Eh oui, les entrepreneurs, ce réservoir de votes macronistes... Alors pourquoi les politiques postent-ils leur plus jolie photo sur leur CV en ligne ?

Parce que l’audience y est qualifiée

Contrairement à la télévision qui est un média puissant mais indifférencié, un article publié sur LinkedIn permet de toucher très précisément les professionnels qu'ils soient cadres ou entrepreneurs. Une aubaine lorsqu’il est question de programme économique ou de sujets liés à l'emploi. Cela n'est pourtant pas nouveau. Depuis les municipales de 2014, les élus locaux français ont compris l'intérêt du réseau pour débusquer les décideurs de leur région via les différents filtres de recherche en ligne, ou pour recruter via les groupes dédiés. Je pense notamment aux groupes des directeurs généraux de services ou bien encore celui des collaborateurs d’élus. A l'étranger, les leaders politiques ont assez vite saisi l'opportunité de s'adresser aux CSP+. Barack Obama et Hillary Clinton possèdent tous deux un compte et écrivent sur Pulse, la plateforme regroupant les tribunes des décideurs. Non seulement, c’est moins onéreux qu’un plan média classique, mais en plus, vous pouvez toucher une audience qualifiée, soit près de 8,8 millions d'utilisateurs actifs en France en 2016. Bien plus que les chiffres dévolus aux articles de la presse quotidienne nationale. Sans compter que les décrypteurs de tout poil ne manqueront pas d'analyser votre stratégie de campagne sur les réseaux et que cela fera parler de vous. Et à ce jeu, je tombe la tête la première dans le "piège" tendu.

Parce que Nicolas Sarkozy dispose un statut d’ « influencer »

C’est un statut donné par LinkedIn aux personnalités publiques triées sur le volet. Ces "influencers" (en anglais) jouissent de la possibilité d’écrire des posts qui seront mis en avant par LinkedIn sur une page dédiée. Cette page, regroupant l'ensemble des heureux élus (sans jeu de mots), permet de s'abonner à leurs comptes pour suivre leurs actualités. En d’autres termes la possibilité d’être vus par le plus grand nombre et de gagner en notoriété et engagement. Le graal de toute stratégie web.

Parce que la voie est libre

Outre Nicolas Sarkozy, seul Emmanuel Macron dispose du précieux sésame d'"influencer". Un boulevard en termes de visibilité offrant la possibilité à Nicolas Sarkozy, comme c'est le cas avec sa toute dernière publication, de marcher sur les platebandes de l'ex-Ministre de l'Economie, en ciblant les leaders économiques. Quid des autres politiques ? Pas de compte pour François Hollande. Le nom est pris, certes, mais ni photo, ni relations à son actif. Ça n'est pas le cas d'Alain Juppé. Bon élève, l'édile dispose d'un compte à jour, sur lequel il publie des articles depuis janvier 2016, sans disposer toutefois du statut prisé d''influencer". Bruno Le Maire, qui se veut le chantre de la modernité sur les réseaux, ne publie que depuis avril 2016. Son "résumé" se borne à un message de mobilisation pour qui souhaiterait rejoindre ses équipes. Il est vrai qu'il se montre plus attentif à capter l'électorat "jeune" sur le web que les pros. En témoigne son interview par un Youtuber mise en ligne hier. La première du genre pour un homme politique. Nathalie Kosciusko-Morizet affiche la couleur sur son CV en ligne : elle est "candidate à la primaire de la droite et du centre". Qu'on se le dise. Tout comme François Fillon qui poste sur le réseau depuis juin 2016. Si Jean-François Copé y est bien présent, il n'utilise pas le réseau pour publier de tribunes. Le potentiel du réseau n'est donc pas exploité. Arnaud Montebourg n'hésite pas un seul instant à s'y présenter comme un "entrepreneur". Néanmoins si son profil est renseigné, pas de publications sur son compte, tout comme sur celui de Benoît Hamon. Jean-Luc Mélenchon poste ses interventions sans oublier de mentionner son statut de "député européen, candidat de la France insoumise à l'élection présidentielle de 2017." Marine Le Pen n'a pas développé son profil où l'on peut lire qu'elle est "Président du FN". De là à se douter que les cadres ne sont pas ces cibles de choix, il n'y a qu'un pas. 

Pour la parution de sa nouvelle étude sur l'usage par les politiques des réseaux sociaux à l'échelle internationale, l'agence de communication Burson-Marsteller s'est intéressé à LinkedIn. Elle a identifié au total 154 comptes gouvernementaux, comprenant 64 profils personnels de chefs d’Etat ou de gouvernement. Les 90 pages restantes ? Purement institutionnelles. Et parmi ces pages "instits" seules un tiers sont actives, la moitié n’ayant jamais partagé d’actualité. Un océan de possibilités encore inexploité...

Anne-Claire Ruel

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