Le communiqué de presse de France Télévisions est tombé ce 30 mars. Verdict ? Faute de trouver un consensus avec les staffs des candidats, le débat prévus entre les onze rivaux sera maintenu le 20 avril. Jean-Luc Mélenchon avait le premier dégainé pour refuser ce débat à quelques heures du scrutin, suivi par Emmanuel Macron qui avait notamment sollicité l'intervention du CSA. Marine Le Pen, échaudée par son intervention dans l'Entretien Politique, en avait profité pour exprimer ses réserves. Quant à François Fillon, face aux éventuels désistements de ces principaux opposants, il avait lui-même fini par mettre en doute sa propre participation. Mais pourquoi les candidats à la présidence de l'Elysée ont-ils si peur de ce débat ?
1Parce que nous vivons à l'heure des "timelines"
Le temps politique, nécessairement long, n'est pas le même que le temps médiatique, assurément court. Outre le fait que Einstein aurait sans doute aimé ce principe de relativité générale, cette nouvelle fabrique de l'opinion -à l'heure des réseaux sociaux et des timelines- empêche tout ajustement immédiat d'image. En d'autres termes, si lors du débat vous êtes mis en cause pour une raison ou une autre, impossible à quelques heures du scrutins, contenu de l'instantanéité et de l'extrême viralité des polémiques, de rectifier le tir en matière de communication politique. Notamment à cause du fameux "devoir de réserve" mis en place le 22 avril. C'est précisément pour cette raison que le CSA a réagi, obligeant le service public à trouver une solution : «"France Télévisions s'engage à tout mettre en œuvre sur ses antennes le vendredi 21 avril pour permettre aux candidats qui auraient été mis en cause lors du débat par des éléments nouveaux de polémique électorale d'y répondre". Le risque est majeur pour les candidats : un faux pas et leur victoire s'envole. Dans un contexte où la cristallisation devient de plus en plus une chimère des temps modernes tant les électeurs se décident -tout bonnement- au dernier moment.
2Parce que les leaders ont plus à perdre que les outsiders
Comme le rappelle justement Yves-Marie Cann : "Les sondages n'ont pas vocation à prédire les résultats trois semaines à l'avance. En revanche, ils rendent compte de dynamiques significatives." Et à ce jeu de forces en mouvement, les grands gagnants sont assurément Jean-Luc Mélenchon, dont la campagne est un sans faute, et Emmanuel Macron, qui attire les médias de part son caractère ovniesque dans le champ politique. S'ils sont les plus rétifs à ce débat, pas de hasard : ils jouent la carte de la prudence pour ne pas effectuer une sortie de route à l'approche de la ligne d'arrivée. A contrario, Benoît Hamon et Nicolas Dupont-Aignan se sont montrés très favorables à sa tenue : même si leur posture politique et leur potentiel électoral ne sont pas du tout les mêmes, tous les deux outsiders, ils ont besoin de cette fenêtre de tir médiatique pour faire la différence et tenter le tout pour le tout dans cette course folle à l'issue incertaine. « On est partant pour tous les débats », précise l’entourage de Benoît Hamon à 20 Minutes ce jeudi après-midi. Pas le choix. L'heure n'est pas au principe de précaution.
3Parce que le décryptage des débats peut colorer les dernières heures
Pas de méprise : les commentateurs et analystes de tout poil -dont je fais partie- n'ont aucun impact sur l'opinion, quand ils ne sont pas totalement à côté de la plaque. Néanmoins, une erreur politique ou communicationnelle de l'un des candidats sera nécessairement disséquée et analysée sous toutes les coutures et cela peut "colorer" les dernières heures avant le scrutin. En d'autres termes, influencer les électeurs les plus volatiles, soit les indécis souhaitant tout de même se rendre dans l'isoloir. Le vote consumériste en somme. Et donc l'un des plus déterminants.
“Prudence n'est que l'euphémisme de peur” écrivait Jules Renard. Qui sera présents ou absents ? Réponse dans quelques heures.
Anne-Claire Ruel
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