Récemment interrogée dans le cadre d'un documentaire à venir sur la communication des politiques français à l'aube de la Présidentielle 2017, je me suis entendue dire à voix haute : "non, les politiques de premiers plans n'ont pas besoin de communicants". Cette affirmation est un peu péremptoire, mais ne doit pas être méinterprétée. Plus que de "simples" communicants, les candidats ont besoin de conseillers politiques, véritables sparring partners, doués de réflexes de communicants. Elle est sans doute là, d'ailleurs, la méprise sur ce métier parfois à juste titre décrié. Si un homme politique de premier plan connaît parfaitement les rouages médiatiques, placé dans le cadre d'une élection présidentielle, il ne peut faire l'impasse de s'entraîner comme un athlète de haut niveau avant chaque débat pour tenter de maîtriser le verbe et l'adversaire. En quoi consiste cette préparation ? Le point avec Hillary Clinton.
Visionner des heures de débat
Trouver la faille, ce qui peut faire sortir son adversaire de ses gonds. Tout comme un sportif, il faut se familiariser au jeu de son adversaire, anticiper ses coups, percevoir ses faiblesses. Observer sa gestion de l'espace mais aussi son phrasé pour ne pas se laisser désarçonner. Mieux le connaître pour mieux l'affronter. Et pour Hillary Clinton la tâche n'est pas facile tant elle représente une Amérique si différente de celle de son concurrent. Face à l'Amérique des femmes, des villes de la côte Est, se dresse l'Amérique des hommes blancs, adeptes du repli identitaire.
Cerner la personnalité intime de l'adversaire
Outre les heures de visionnage, le politique doit tenter de déterminer les contours d'une personnalité dans ce qu'elle a de plus intime et de multi-facettes. Les médias américains ont rapporté que Tony Schwartz, qui a écrit l'autobiographie de Donald Trump,The Art of the Deal, en 1987, a participé à une réunion organisée par Hillary Clinton. Objectif ? Comprendre et analyser les ressorts cachés de la personnalité du candidat, sa psychologie intime. Ce qui le meut, mais aussi son passé pour éclairer ses prises de position actuelles.
S'entourer de sparring partenaires
Une fois passé ce temps de préparation, incluant -il va sans dire- des heures sur le programme, mais aussi les éléments de langage pour en maîtriser le fond, les conseillers se convertissent alors en sparring partner. L'heure est à la joute verbale. Ils se relaient alors dans un ballet sans fin pour jouer le rôle de l'adversaire et tenter de déstabiliser leur candidat. Ces séances sont la plupart du temps filmées et revisionnées, partant du principe qu'il faut toujours changer d'erreur pour s'améliorer. L'attitude physique est savamment étudiée. Un relâchement du corps, une voix moins posée, un regard baissé et la qualité de l’intervention diminue sur le fond. Les mots et la posture physique s’appuient réciproquement. Chez elle à New-York Hillary Clinton s'est bien évidemment pliée à ce jeu avec pour objectif de paraître moins froide, plus souriante, pendant que ses équipes se sont renseignées sur la disposition scénographique du plateau télévisé afin de préparer la gestion de l'espace, soit le terrain de jeu du combat à venir.
Vulgariser le discours
Chronomètre en main, Hillary Clinton s'est astreinte à des réponses courtes et percutantes. L'heure n'est pas à un débat d'experts techniques. Au contraire, le raisonnement logique est alors inversé : le politique amorce la réponse par un fait, un chiffre clé ou une métaphore, une information précise, puis donne directement la conclusion. Pour être compris de tous, mieux vaut vulgariser les informations et gagner la bataille de l'attention. Quitte à utiliser des "petites phrases" habilement lancées au cours de la discussion de manière à être reprises le lendemain en choeur par l'ensemble des médias.
Trump exagère ses prises, fait des cascades, renverse l'ordre établi tout en insultant copieusement ses adversaires. La foule acclame le catcheur pour ses prises spectaculaires, lui qui transforme la politique en spectacle. Comme Roland Barthes l'écrit dans son ouvrage Mythologies au sujet de la sémiotique du catch : "sur le Ring et au fond même de leur ignominie volontaire, les catcheurs restent des dieux, parce qu’ils sont pour quelques instants, la clef qui ouvre la Nature, le geste pur qui sépare le Bien du Mal dévoile la figure d’une justice enfin intelligible". Lors de ce premier débat ce sont deux visions du monde diamétralement opposées qui se sont affrontées sur un ring télévisé. Gageons qu'à la fin, comme dans tout match de catch le Bien l'emportera.
Anne-Claire Ruel
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