A en croire les papiers au vitriol parus dans la presse ses derniers jours agrémentés de photographies peu flatteuses, la campagne promet d'être féroce : François Hollande donnerait trop d'interviews selon les journalistes et, plus inquiétant, selon certains de ses ministres. Pire, ce serait presque devenu une corvée de le rencontrer tant il se serait converti en commentateur de sa propre action, lassant à l'envi les visiteurs venus le voir. A ceci près que n'importe quel journaliste accepterait de bonne grâce une interview du président. Je les défie de refuser.
François Hollande, commentateur de sa propre histoire
Il y a un an de cela, j'avais écrit un papier intitulé "François Hollande ou l'art de faire la com' de la com'". Qu'on ne s'y trompe pas, François Hollande n'est pas "l'homme sans com'" décrit par Denis Pingaud. Le livre "Conversations privées avec le président" de Karim Rissouli et Antonin André le met particulièrement bien en exergue. Tout est sujet à dissertation en matière de communication. La loi travail ? Une erreur de communication de Manuel Valls. Les journalistes ? "Même un bon journaliste, on peut toujours le guider, l'orienter. C'est le jeu. (...) D'autant que le journaliste est contraint : il doit faire un papier dans un délai très court avec souvent des informations parcellaires. Il suffit donc de lui donner le bon angle, la bonne approche, et la bonne information, parfois même une information bidon, ça fonctionne» affirme-t-il. Derrière ce livre qui se veut un bilan avant l'heure pour évacuer l'épineuse question avant la rentrée, François Hollande essaie non de convaincre sur le bien fondé de son action et de ses convictions, mais de s'auto-analyser. Et c'est bien cela qui est perturbant. Exit les plans de bataille, bonjour les plans de communication.
François Hollande, prisonnier de son temps
En ce sens, François Hollande s'inscrit dans une logique éminemment contemporaine qui traduit un rapport au temps complexe. Lui qui communique de plus en plus sur les réseaux sociaux de types Snapchat ou bien encore Instagram pour s'inscrire dans l'instantanéité, il est le premier président de la "timeline". Et même s'il est question d'interviews accordées pour la parution de livres aujourd'hui, le président agit et commente en direct dans un jeu de dédoublement permanent se présentant tout à la fois acteur et spectateur. Le silence lui est devenu suspect. Tout est communication. Il a revêtu cette "peau médiatique" et donc "numérique" que nous connaissons bien, nous autres internautes lambdas. Nous sommes devenus des acteurs et commentateurs de nos propres vies, devenant par là même prisonniers de nos "moments mémorables", qui, tels des tatouages inscrits sur notre peau numérique, affirment aux yeux de nos pairs qui nous sommes et d'où nous venons. Jamais où nous allons. Le rapport au temps n'est plus apaisé, mais exalté, Facebook ne manquant pas de nous rappeler le passé. Constamment en représentation, nous avons peur du vide. Pas de cap, plus de vision, pas d'introspection de peur de ce que nous pourrions découvrir. Le bruit et la fureur.
Anne-Claire Ruel
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