Ils ont moins de 35 ans et seront aux premiers postes du pouvoir demain. Qui sont les jeunes de la #NouvelleGardePolitique ? A l’heure où les partis sont en pleine déliquescence, où la défiance envers les politiques n’a jamais été aussi grande qu’est-ce qui motive cette poignée d’irréductibles à se lancer en politique ? Qu’ils oeuvrent dans les ministères ou sur le terrain, ils feront la France de demain. Quelles sont leurs connexions ? Comptent-ils faire de la politique autrement ? Et surtout, vont-ils en finir une bonne fois pour toute avec la "Com' à la Papa" de leurs aînés ? Jeunes vieux, futurs éléphants ou vrais novateurs, avant tout le monde, découvrez les ministres de demain et leur appréhension de la communication sur le blog "Fais pas com' Papa". NB : je prépare un livre sur le sujet.
Pour ce deuxième portrait, place à Aurore Bergé, conseillère municipale UMP à Magny-Les-Hameaux et consultante en communication
Adulée à gauche, vertement critiquée à droite, Aurore Bergé -pro-mariage pour tous- vient de perdre une bataille : en nommant la très jeune Madeleine Bazin de Jessey secrétaire nationale de l'UMP, Nicolas Sarkozy donne des gages à la droite réac'. Celle des veillées et des cortèges. Celle des slogans homophobes aussi. Ce 5 novembre, nous avons rendez-vous au "Bourbon", café politique s'il en est. Aurore Bergé franchit le seuil. Les traits crispés. Peu maquillée, cheveux attachés à la va-vite, lunettes vissées sur le nez, elle sort tout juste d'un conseil UMP. Fatiguée. Premier choc, le décalage "son-image". Elle qui soufflera ses 28 bougies dans une semaine, a la voix grave et les gestes assurés. Etonnante maturité. Alternant tutoiement et vouvoiement, elle a visiblement observé ses aînés, dont elle reprend les tics de langage lorsqu'il s'agit de s'exprimer. Calme, posée, marquant de petits silences entre chaque mot, elle revient sur son parcours, ses engagements et son rapport à la communication.
"Ca n'a rien de naturel de prendre sa carte dans un parti politique"
Petite, Aurore Bergé ne se destinait pas à la politique. Quoique. A la maison, il en a toujours été question. Son père est la voix française de Stallone. Sa mère, celle de Heather Locklear d'Amour, Gloire et Beauté. Ex-soixante-huitards, comme tant d'autres, ils ont voté Mitterrand "avec beaucoup d'espoir et d'enthousiasme en 81", ce qui ne les a pas empêchés de déménager à Versailles pour que leur fille unique puisse avoir accès aux meilleures écoles. Rien ne la prédisposait à franchir un jour le seuil d'un local UMP. "A l'époque en 2002, il n'y avait pas de Twitter, il n'y avait pas de sites internet particulièrement développés". C'est donc par courrier qu'elle s'adresse à son député des Yvelines. "Ca n'a rien de naturel de prendre sa carte dans un parti politique, de franchir la porte d'une permanence. Il faut à un moment qu'il y ait un fait déclencheur". Et pour Aurore, la mèche s'est allumée un 21 avril 2002. Elle a 16 ans et sa vie va prendre un tournant majeur. A droite toute. "J'ai vécu mon adolescence sous le mandat de Jospin et on se positionne aussi par rapport à ce qu'on vit et moi je me sentais plutôt en désaccord (...) Le quinquennat Jospin -oui, c'est vrai, finalement, c'était un quinquennat- était plus marqué qu'Hollande. Il y avait une vraie ligne directrice de gauche, assez forte et assumée. C'était la loi Guigou sur la présomption d'innocence, le pacs.. Ca a été également la CMU... Enfin, des réformes qui ont été des vrais marqueurs et moi je me sentais pas à l'aise avec cette vision de la société". Opposée aux trente-cinq heures, elle fait sienne les valeurs de mérite et de travail. Le RPR devient l'UMP. Elle assiste -enthousiaste- aux grandes messes de célébration du nouveau parti. Ni une, ni deux, c'est décidé, elle entre à Sciences Po et complète son cursus dans la foulée par un master d'affaires publiques. Puis s'en suivent quelques stages auprès de députés, pour parfaire son CV. Si la jeune femme affirme ne pas avoir de mentor aujourd'hui, l'admiration qu'elle voue à Etienne Pinte transparaît au son de sa voix. "Un homme d'une grande humanité, très proche de Philippe Seguin", qui a su voter en faveur de l'IVG et de l'abolition de la peine de mort, contre son parti. Atavisme ? Sillon creusé ? Aurore s'est précisément levée contre "sa famille" pour défendre ce qu'elle croyait juste. Le droit du sol bille en tête.
"J'ai la chance d'avoir un minimum d'écho, donc je m'en sers"
Tout s'enchaîne très vite : responsable des jeunes UMP des Yvelines de 2005 à 2008 en pleine campagne présidentielle, elle devient ensuite porte-parole national des jeunes UMP de 2008 à 2010. Elle perd l'élection à la présidence des jeunes contre Benjamin Lancar. A l’été 2013, elle est investie par l’UMP et l’UDI en tant que tête de liste aux élections municipales à Magny-les-Hameaux. Mais elle échoue. En février 2013, elle accède au titre de conseillère politique de l’UMP. Simple militante, la jeune femme bénéficiait d'une notoriété relative, même si ses prises de parole féministe via la médiatisation de l'ouvrage "Alter-Egales" avaient déjà reçues un certain écho quelques années auparavant. C'était sans compter sur la mise en scène politico-médiatique de son couple. Aujourd'hui séparés, Aurore Bergé a été un temps mariée au député PS Nicolas Bays. Elle vient sûrement de là aussi, sa popularité au sein des rangs de la gauche avec qui elle passe volontiers ses soirées parisiennes. Sur son blog, la citation de Clémenceau mise en exergue ne déplairait d'ailleurs pas à Manuel Valls : "Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire". C'est véritablement sa prise de position en faveur du mariage gay dans une tribune du 10 octobre 2013 qui va la propulser sous le feu des projecteurs. Intitulée "Je suis membre de l'UMP et j'irai à la manifestation en faveur du mariage pour tous", elle lui vaut un déferlement de haine sur Twitter. Mais aussi le gain de nouveaux followers, sans doute avides découvrir celle dont la posture atypique tranche avec la logique godillot du parti. "J'ai la chance d'avoir un minimum d'écho, donc je m'en sers" dit-elle aujourd'hui. Facebook, Twitter, un blog et "Une droite d'avance", son collectif... La jeune femme, par ailleurs communicante, maîtrise parfaitement le système médiatique. Et cela se voit. Benoist Apparu dira qu'elle a "le bras long" pour son jeune âge : "Dans cette génération de moins de 30 ans, il y a deux très jeunes femmes qui tiennent la route et qui ont un fort potentiel. Il s’agit d’Aurore Bergé et de Camille Bedin, qui se présente à Nanterre. Toutes les deux sortent du lot, même si c’est un peu tôt pour parler de relève".
"Je ne dépends pas d'un élu pour vivre"
Son métier de communicante, elle le brandit comme porte-étendard de son indépendance, acquise à la force du poignet : "Ca serait plus facile si j'étais collaboratrice parlementaire et je pourrais m'organiser différemment (...)". Alors, bien sûr, elle fera sans doute un jour un tour en cabinet. Peut-être. Mais en attendant, elle tacle ses petits camarades socialistes pour leur manque de curiosité : "Faire de la politique, enfin vouloir en faire, sans jamais faire de passage dans le privé, me paraît compliqué". Elle ajoute : "Et on le voit d'ailleurs avec pas mal de nouveaux parlementaires socialistes qui au final ont été collaborateurs parlementaires toute leur vie et qui ensuite deviennent députés. Ils ont jamais connu autre chose que ça. Ca ne veut pas dire qu'ils ne soient pas intelligents, ça veut juste dire qu'ils ont une vision très parcellaire de la société française". En faveur du mandat unique, elle revient sur les apparatchiks qui grenouillent dans les partis des décennies entières : "Aujourd'hui, on ne peut plus se dire qu'on va faire pendant 30 ans ou 40 ans de la politique. Peut-être que pendant 10 ans on sera député, pendant 12 ans on sera maire. On pourra peut-être passer d'un mandat à un autre, j'en sais rien, mais que c'est un passage".
"L'âge n'est pas un critère. Ni en négatif, ni en positif"
Quant à la nouvelle garde politique, elle la balaie d'un revers de la main : "l'énième manifeste de la énième génération de gauche comme de droite qui dit 'ne commettons pas' ou 'ne répétons pas les erreurs de nos aînés, etc. etc. Au final, la vérité, c'est qu'elle se comporte de la même manière que les générations qui ont précédé voire en pire". Assez pessimiste, elle dresse le portrait d'une génération 2014 aussi cumularde que l'ancienne et s'inquiète du non-renouvellement des talents au sein de son propre parti. "Ca fait 12 ans que je suis à l'UMP, je vois qu'il y a des gens qui sont partis, parce qu'on n'a pas été foutus de leur faire une place". Et de souligner le rôle à venir des quadras dans l'accession au pouvoir d'une nouvelle trempe d'élus : "Les Bruno Le Maire ou NKM sont des gens qui ont compris qu'ils n'étaient pas éternels". A ce stade, il est possible d'en douter, mais elle ajoute : "la conquête n'est pas solitaire, je pense qu'on chasse en meute." Chasser en meute oui, mais dans un parti rénové : "La marque UMP est clairement affaiblie, le nom UMP est connoté et chargé d'ondes négatives après la guerre Copé-Fillon qu'on a subie (...) Je pense qu'il faut savoir ce qu'on attend concrètement d'un parti politique ça aujourd'hui, ça n'est pas clair". Nicolas Sarkozy l'a d'ailleurs chargée, il y a quelques mois, de réaliser un benchmark des partis étrangers, qu'il soit scandinaves, israëliens, ou bien encore africains. "Il va falloir qu'on assume d'avoir une organisation qui est plus horizontale". Avec Nicolas Sarkozy à sa tête et la guerre de succession qui a déjà eu lieu au sein de la direction, c'est peut-être un voeux pieux.
"La plupart de ceux qui ont émergé ont un joli storytelling (...). Moi je doute tout le temps"
De la politique, elle en parle comme d'une drogue. Dure. Addictive. "C'est un milieu (...) est trop violent, trop incertain et trop irrationnel aussi". Pourquoi donc s'acharner à en faire alors ? Pourquoi mettre autant d'énergie à prendre des coups pour espérer -dans une dizaine d'années au mieux- changer un peu la vie ? La réponse fuse. Mécanique. Aurore croit encore à la possibilité d'agir. Enfin, de moins en moins... "Sur les 577 députés, qui on connaît ? (...) Qui agit ? Qui vraiment à l'impression d'avoir du pouvoir ? A l'impression d'avoir pu mettre en place des réformes, ne serait-ce que des amendements qui ont changé des choses ? C'est une poignée de gens ! C'est une poignée de gens... Moi, c'est ça qui m'intéresse : quels sont les leviers pertinents pour agir ? Est-ce que c'est encore la politique ? Je pense que oui, mais de moins en moins. Parce que le politique s'est vachement effacé". Devant qui ? "L'administration a pris un pouvoir démesuré". Où se voit-elle dans 10 ans ? Elle n'en a pour l'heure aucune idée. "La plupart de ceux qui ont émergé ont un joli storytelling où ils nous racontent que finalement tout était facile. Tout était simple, que c'était fluide, que jamais ils ont douté (...) c'est pas vrai. Ce n'est pas possible. Moi je doute tout le temps". Et d'ajouter sur son avenir en politique : "Moi j'en sais rien si dans 5 ans, dans 10 ans je serai parlementaire ou dans 10 ans, dans 20 ans je serai ministre. (...) Peut-être que je ne serai rien du tout. Peut-être que je n'aurai pas réussi à convaincre, à émerger, à me faire accepter par ma famille politique (...). Peut-être que je serai partie en dissidence (...). J'en sais rien."
Anne-Claire Ruel
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