Paradoxe, j'écris ton nom : pourtant jamais parti, Nicolas Sarkozy est de retour. Branle-bas de combat dans toutes les rédactions qui n'attendaient que cela depuis des mois. Toute l'attention médiatique est polarisée sur l'ancien chef de l'Etat. Il a d'ailleurs tout fait pour cela. Sur les chaînes d'information continue, les experts s'exercent à l'exégèse de ses éléments de langage suite à son intervention ce dimanche soir, pendant que l'intéressé, déjà assis dans la tribune -présidentielle- du PSG, contemple le match. Plutôt qu'une énième analyse de ses messages et autres axes idéologiques développés -mais, y en avait-il seulement?-, plutôt qu'une nouvelle psychanalyse médiatique sur sa capacité -ou non- à se renouveler, un point sur la "tactique" adoptée, soit ses trois techniques de communication préférées.
1 Le "disque rayé" ou comment Nicolas Sarkozy vous explique que la France court à sa perte
Comme son nom l’indique, lors d’une interview, la technique du "disque rayé" consiste à sampler les éléments de langage de manière à les marteler. Lorsqu'il décide d'utiliser cette tactique, le politique se met alors en mode "repeat". Inlassablement, il ânonnera les mêmes quatre ou cinq messages quelle que soit la question posée. Très efficace pour passer en force, elle pousse à bout les journalistes. Si Nicolas Sarkozy veille à ne pas trop se répéter -quoi qu'on aura bien compris qu'il n'a pas "deux neurones"-, à force de qualificatifs dévastateurs, il brosse le portrait d'une France réduite à un champ de ruines, une France crépusculaire "en colère", "sans espoir", souffrant d'une "absence de perspective". Un territoire ravagé par le "chômage", la"violence", et la "défiance". "Depuis que [François Hollande] est au pouvoir, il y a un demi-million de chômeurs en plus. C'est lui le président, ce n'est plus moi." La raison de son retour ? L'affront subi par la France aujourd'hui, qui l'oblige à revenir pour le bien de la Nation toute entière : "Je ne veux pas que mon pays soit condamné à n'avoir comme choix que le spectacle un peu humiliant d'aujourd'hui". Il ajoutera : "Qu'un pays qui est la cinquième puissance du monde, puisse avoir autant d'habitants qui soient désespérés, au point de croire Marine Le Pen, ça m'interpelle. J'ai envie d'aller les réconquérir".
2 Le "planté de drapeau" ou la rédemption de Nicolas Sarkozy (enfin, c'est lui qui le dit)
Avec le planté de drapeau, les messages décisifs sont mis en valeur. Il en va ainsi de ce que Nicolas Sarkozy présente comme une introspection. Dans toute la première partie de l'entretien, il dit ainsi avoir appris, à défaut de changer, grâce au "temps", à "l'âge" et "l'expérience". "Je me suis rendu compte que, sans le vouloir, j'avais pu blesser des gens en ne prenant pas la bonne expression. Je m'en suis voulu". Il revient sur la "tentation de tout vouloir faire" seul, sa "difficulté à déléguer". "Je me suis rendu compte que j'ai pu blesser des gens. Si c'était à refaire, je ne le ferai pas. Quand on prend pas la bonne décision, au lieu de résoudre le problème, on le complique, parce que les gens se raidissent. Il faut essayer d'apaiser". Véritable verbe oriflamme, il dira plus tard qu'il souhaite également "apaiser la France". Sa décision, il l'a mûrie à l'aune de son... storytelling personnel : "Je n’ai jamais cru à l’homme providentiel. Cela fait deux ans et demi que je regarde notre pays de l’extérieur. La France c’est une seconde nature, je l’aime, c’est 35 ans de ma vie publique". Mais la posture du sage façon Bouddha zen machouillant un bout de bambou depuis sa montagne au-dessus des hommes n'a pas fait long feu. Nicolas Sarkozy revêt à nouveau le costume de catcheur qu'on lui connaît au fil de l'interview. Au sens sémiotique de Barthes dans "Mythologies". Il s'en prend à Laurent Delahousse et retrouve vite le ton autoritaire qui le caractérise.
3 Le « block n’ bridge » ou comment Nicolas Sarkozy s'essaie au dribble
Nicolas Sarkozy aime le foot. Et ça se voit. Sa passe préférée ? Le dribble. Il circule avec le ballon sans que les joueurs ne s'en emparent. A ceci près que ses adversaires sont journalistes. Avec la technique du « block and bridge », le politique stoppe net la question pour ne pas y répondre tout en l’orientant vers un autre sujet, susceptible de l’intéresser. Sioux. Sur les plateaux télé, vous entendrez : « Votre question est intéressante, mais laissez moi vous dire… ». Mais Nicolas Sarkozy y ajoute toujours une once d'autorité personnelle. Au sujet d'une question posée sur son bilan, il dégaine son colt: "Soyez précis. Si vous souhaitez m'interroger sur une chose ou une autre que je n'ai pas appliquée, je vous répondrai avec la plus grande sincérité." Avant de s'engager dans une longue diatribe à l'encontre de François Hollande. Mission réussie. Il en va de même lorsqu'il est question des échecs de son bilan. Pour lui l'attaque est toujours la meilleure défense :"Est-ce que vous croyez que si j'avais quelque chose à me reprocher, je viendrais m'exposer dans un retour à la politique ? (...) Si j'avais peur, est-ce que je reviendrais ? Je n'ai pas peur." Sans compter les petites phrases à double sens pour disqualifier ses adversaires, sous couvert de les encenser : "Alain Juppé, je l'ai connu quand j'avais 20 ans, c'est un ami, c'est un partenaire, c'est un compagnon. J'aurais besoin de lui. (...) François Fillon, il a été Premier ministre pendant 5 ans, j'aurai besoin de lui".
Oui, Nicolas Sarkozy revient sous le feu des projecteurs, mais le moins que l'on puisse dire c'est que ses pirouettes ont tout de la "com' à la Papa".
Anne-Claire Ruel
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