Pour défendre la présence militaire menacée de suppression de postes dans sa ville-préfecture, Besnoit Apparu - l'énergique député-maire de Châlons-en-Champagne - ne recule devant rien, pas même devant le treillis de la Grande Muette. Il l'a revêtu le temps d'une photographie destinée à interpeler le Président de la République, parue dans une des pages publicitaires du Monde daté de ce samedi 28 juin. La stratégie de com' en trois points de cet ancien publicitaire :
1Treillis et rangers pour un visuel percutant
Accompagné de trois personnalités locales, Bruno Bourg-Broc le président de l'agglomération, le conseiller général PS Rudy Namur et le président de la CCI Michel Gobillot, Besnoit Apparu propose un tract politique d'un nouveau genre, renouant avec une forme de guerilla publicitaire appliquée à la politique. Visages fermés, rangers aux pieds, les élus montrent toute leur détermination à défendre - ensemble - leur "dossier", faisant fi des querelles de clochers. Unité et ténacité, le ton est donné. Un coup de pub efficace : la démarche - pour le moins singulière - fera nécessairement parler d'elle, obligeant les médias à en parler.
2Constats et interrogations pour des éléments de langage imparables
Bien plus qu'un simple "dossier", il s'agit de vies humaines qui sont en jeu. L'argumentaire rappelle dans un premier temps, à force de chiffres clés, la réalité économique et sociale, de la présence de l'armée sur le territoire des élus.
"Aujourd'hui, Châlons compte 1 200 officiers, sous-officiers et soldats (...). Ce sont, avec les familles, plus de 3 000 habitants, soit 6,5% de la population. Leur présence sur notre territoire est un atout et un poids majeur de notre économie ils génèrent des emplois indirects et peuplent nos écoles.
Dans un second temps, sous forme d'interrogations négatives, soient des questions purement rhétoriques puisque la réponse est induite, les élus présentent leur point de vue tout en s'adressant assez vivement au Président. "Votre rôle" s'oppose ainsi à "notre ville" pour marquer plus encore l'antagonisme des camps opposés :
"Le rôle de Bercy est-il de libérer des casernes invendables, ici, compte tenu de notre démographie et d’un marché de l’immobilier caractérisé par une vacance déjà importante ? N’est-il pas, plutôt, de libérer des terrains dans des villes dynamiques sur le plandémographique et qui, elles, manquent cruellement de foncier pour construire des logements ?Votre rôle n’est-il pas de veiller à l’équilibre des territoires français en mesurant, de manière juste, l’impact de la réduction des personnels militaires qui, associée à la réforme territoriale,fait peser un risque majeur sur notre ville moyenne, capitale régionale, dont plus de 50% des emplois sont des emplois de fonctionnaires civils et militaires ?"
3Facebook, Twitter et "plan media" pour le SAV
La page publicitaire sera non seulement diffusée dans Le Monde de ce jour, mais également localement, via L'Union-L'Ardennais. Le quotidien régional affichait d'ailleurs le visuel dès vendredi sur son site internet. Quant à Benoist Aparu, il est bien décidé à monter en première ligne pour assurer "le service après-vente" auprès des médias, l'AFP bille en tête. Les éléments de langage que vous entendrez seront alors de trois ordres :
1- L'alerte : "Nous voulons alerter les décideurs avant la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire prévue fin juillet car les risques pour Châlons sont réels et pour nous la présence des militaires est essentielle"
2- Les convictions : "Je comprends la nécessité de la réforme militaire mais Châlons a déjà payé un lourd tribu en perdant 1.600 militaires depuis 1990, d'autre part il serait plus rentable pour l'Etat de vendre des casernes dans des villes en pleine croissance plutôt que dans une région où la population décroît"
3- Les risques encourus : "Nous sommes dans une ville administrative et militaire, c'est notre ADN, cela génère des emplois stables mais peu de recettes fiscales, si on nous ampute d'une partie de cet ADN ce serait une catastrophe"
Sur sa page Facebook comptabilisant plus de 11 500 "amis", reliée aux 35 400 "followers" de son compte Twitter, le député-maire, connu pour son franc-parler, annonce le prochain rendez-vous médiatique national pour évoquer le sujet d'un point de vue "macro".
Je vous donne rendez-vous demain matin sur #RTL à 8h50! J'évoquerai notamment notre action concernant la loi de programmation militaire !
— Benoist Apparu (@benoistapparu) 27 Juin 2014
Pour préparer la riposte "virale", une page Facebook a même été créée appelant à la "Mobilisation générale". Pas de stratégie de hashtag et un intitulé trop générique, elle aurait pu être mieux pensée. Toutefois, elle a le mérite de servir de relai médiatique : les élus y publient leur tribune commune, revenant sur les raisons de leur mobilisation "oecuménique". En attendant, pour tenter de générer le buzz (la page compte un peu plus de 500 likes à l'heure actuelle), les internautes sont incités à poster des "selfies" de soutien.
Pour le Parisien Magazine, Montebourg et sa marinière, Ségolène en "Liberté guidant le peuple", Laurent Fabius en monsieur Météo ou bien encore Vincent Peillon en professeur, ont également pris la pose pour défendre leurs idées, avec plus ou moins de succès. Mais dans ce cas de figure précis, les circonstances sont autres : il s'agit de défendre une cause commune portée par des élus qui ne sont pas du même bord politique, via l'achat d'une page de publicité dans un quotidien national. Une première.
Bien sûr, cette affiche sera détournée. Bien sûr, la toile va se déchaîner. Mais, cette nouvelle ligne de défense politique alliant puissance des mots et force de l'image, a tout d'une -petite- évolution en matière de communication. La société du spectacle n'est pas prête - elle - à rendre les armes.
Anne-Claire Ruel
Coup de cœur, coup de gueule, coup de poing, n’hésitez plus : venez débattre et tweeter. Cette page est aussi la vôtre vous vous en doutez. Pour "Fais pas com’ Papa", un seul hashtag : #FPCP et une seule page Facebook : Fais pas com' papa.