Veni, Vidi, Renzi : les leçons de com' du 1er ministre italien

Matteo Renzi, alors maire de Florence (Italie), lors d'un meeting du Parti démocrate à Turin, le 6 décembre 2013. (GIORGIO PEROTTINO / REUTERS)

A l'heure de la clôture du sommet européen de Bruxelles, qu'il fascine ou irrite, Matteo Renzi, le nouveau premier ministre italien, fait toujours autant couler d'encre de part et d'autre des Alpes. Tour de force, en quelques mois, le jeune homme de 39 ans a réussi à faire de l'Italie de Berlusconi, le symbole du renouveau politique européen. Retour sur les leçons de communication de Matteo Renzi.

1Matteo Renzi et la métaphore du "Big Bang" : le renouveau politique

C'est l'histoire d'un hyperactif, inconnu il y a 4 ans, devenu maire de Florence à peine âgé de 35 ans. C'est l'histoire d'un visionnaire, qui a compris -avant les autres sociaux démocrates européens-, que la politique était à bout de souffle, déconnectée des réalités, vilipendée par ses propres administrés. Cette politique "hors sol", puits de communication sans fond, il l'a dénoncée dès 2010 :

«En Italie, les politiques parlent comme les footballeurs, avec des phrases toutes faites. Il y a trente ans, cela faisait mouche. Aujour­d’hui, ce n’est plus possible.»

Alors depuis Florence, écrin-berceau de la Renaissance artistique menée tambour battant par les Médicis, il imagine un nouveau modèle pour cette Italie décrépie et rongée par la crise. L'auto-proclamé « rottamatore », « casseur » de la classe dirigeante -ces «élus qui étaient déjà au Parlement il y a plus de vingt ans et qui ont l’âge de mon père»- impulse l'organisation de réunions florentines qu'il appellera à dessein « big bang ». Ecrivains, politiques, entrepreneurs, financiers y sont invités pour penser l'Italie de demain, comme autant de neutrons et de protons appelés à créer un nouvel univers. Car elle est là sa solution : rompre avec les codes et usages pour étendre le champ politique au-delà de sa sphère et se servir de la communication, comme un moyen d'imposer cette vision. Exit le modèle politique endogame, place à l'expansion trans-partis pour étendre l'univers politique à d'autres influences. Exit les professionnels de la politique, vieux briscards soucieux de réduire à néant les désirs d'ascension de la nouvelle garde. "Je change Florence ou je change de métier et retourne travailler", a-t-il affirmé haut et fort lors de la campagne municipale. Stratégie payante puisque battu en 2012, il sera élu haut la main à la tête du parti démocrate en 2013. Désormais cajolé par ses homologues européens, fascinés par son aura, il impose sa vision à la tête de l'Etat.

2Matteo Renzi et la genèse de symboles iconoclastes : créer une marque politique

Depuis la nuit des temps, l'Italie est un laboratoire politique. Tour à tour reflet parfait ou caricature excessive de notre société post-idéologique. En ce sens, Matteo Renzi, enfant de la télé berlusconienne et de la "génération Erasmus", maîtrise à la perfection les codes et usages cathodiques. Au point même d'avoir participé à la Roue de la Fortune dans sa jeunesse.

Au point surtout, d'être devenu près de vingt ans plus tard le "Directeur de la communication" de sa propre marque, en commençant par imposer ses symboles, lui l'iconoclaste : formation d'un gouvernement paritaire composé de 16 ministres dont la moyenne d'âge ne dépasse pas 47 ans, transformation du Sénat en simple chambre consultative, suppression des provinces, soutien aux salariés précaires... Matteo Renzi en est conscient : la politique, c'est d'abord et avant tout du "bon sens" et des emblèmes comme porte-étendards, soit l'alliance de la pratique, des gestes et des mots. Pour cet ancien publicitaire, chaque action politique est une action de communication en soi. Il pense en politique et agit en communicant. Jamais l'inverse. Surtout il a fait sienne la citation hugolienne : "la forme, c'est le fond qui remonte à la surface"Sans tabou, il défie les syndicats, bouscule les institutions, secoue le pays pour « réveiller la Belle au bois dormant qu’est devenue l’Italie ». En quelques mois, il a réussi à changer non seulement la vision que les italiens avaient de leur propre pays, mais aussi celle du monde sur l'Italie.

"La gauche pense que la communication est un gros mot. Pour moi, le marketing entendu comme communication est une belle chose"expliquait Matteo Renzi à Vanity Fair.

Elle est peut-être là, la clé du changement qui souffle par-delà nos frontières : le franc-parler et l'enthousiasme du locataire du Palais Chigi. Il sait que la communication ne fait pas tout, mais associée à des décisions politiques majeures, elle peut être une alliée de taille pour impulser la révolution.

3Matteo Renzi et la conscience d'être à lui seul un média : imposer une communication de proximité

La grande différence de Matteo Renzi avec les autres hommes politiques européens ? Il a compris qu'il ne s'agissait pas de "truster l'agenda médiatique", il fallait se concevoir comme un média à part entière et parler directement aux italiens. Alors maire de Florence, tous les mardis, il se rendait dans une école pour y rencontrer enseignants et élèves. Une fois par mois, non seulement il s'entourait d'anciens -souvent pour se faire tancer par ces derniers-, mais il intervenait également à la Radio Toscana pour y dialoguer directement avec les auditeurs. Cette stratégie de communication de proximité, il l'applique désormais à l'échelle de l'Italie. Technophile convaincu, actif sur Twitter, il n'hésite pas à poster des selfies et des photos de ses dossiers. Sa notoriété, il la doit beaucoup aux réseaux sociaux et à son usage décomplexé. Il a même créé un hashtag pour répondre en direct aux twittos : #matteorisponde. Le 28 avril 2014, à Rome, le jeune président du Conseil italien répond aux racistes : il imite Dani Alves et mange une banane. La photo fera le tour des réseaux sociaux et de la planète. Le 12 mai, après un nouveau naufrage d’immigrés en Méditerranée, pas un seul instant, il n'a hésité à tweeter : « l’UE sauve les banques et fait mourir les enfants ». Autre volonté assumée, afficher un look décontracté. Dans la lignée d'Obama, il retrousse ses manches et se présente volontiers en jeans, sans cravate. Si ces détails peuvent sembler insignifiants, ils participent à construction d'une image de marque cohérente et en tout point pensée.

Souvent comparé à Manuel Valls, Matteo Renzi est pourtant de 13 ans son cadet. Insuffler un vent nouveau alors qu'il est en politique depuis toujours, c'est l'équation du locataire de Matignon. En France, les partis sont morts et pourtant non enterrés. Qui pour les détruire et enfin tout recommencer ?

 Anne-Claire Ruel

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