Voeux 2018 : les 5 commandements d'Emmanuel Macron qu'il ne fallait pas manquer

Emmanuel Macron lors de ses vœux aux Français, le 31 décembre 2017. (AFP)

Avec un discours aussi long que celui du Général de Gaulle en 1962, Emmanuel Macron, le plus jeune président de la Vème République, n'a pas bouleversé ce rituel immuable. Tout en reprenant ses éléments de langage parfois distillés dès son entrée en fonction le 14 mai, ("renaissance française"), la stratégie déployée semble suivre cinq commandements préalablement fixés pour cadrer son intervention. 

Commandement n°1 : le style parlé tu privilégieras

Par petites touches, au fil de ses interventions, le style d'Emmanuel Macron se dessine. Aux discours empreints de lyrisme répondent les moments d'échanges spontanés avec ses administrés. Problème : l'exercice imposé de la présentation des voeux aux Français est d'une toute autre nature. Figure imposée par excellence, face caméra dans un bureau élyséen, cette intervention ne laisse aucune place à l'improvisation. Cette fois, exit les figures de style ou les références littéraires, place aux mots simples, compris de tous. Le texte est lu et pensé pour l'oral. Et ce n'est pas un exercice où il excelle. Emmanuel Macron s'adresse ainsi à la Nation toute entière. Jeunesse inclus via une petite vidéo résumant son propos, diffusée sur les réseaux où la bataille de l'attention bat son plein.

Commandement n°2 : à ta gauche tu t'adresseras

Convenu le discours d'Emmanuel Macron ? Certes la forme ne renouvelait en rien le genre, mais ne nous y trompons pas, sur le fond, la dimension politique est omniprésente : les mots sont choisis pour s'adresser aux sympathisants de gauche, de ses électeurs à ses détracteurs, soit toute une partie de la population pour qui la politique menée par le chef de l'Etat est socialement injuste. École, formation, protection, égalité, éducation, culture, humanisme, solidarité, fraternité, collectif... via son intervention, le président tente de corriger une image dégradée auprès d'une fraction de cet électorat qui l'a porté au pouvoir. "L'année 2018 sera l'année de la cohésion de la nation" affirme-t-il convoquant le lancement d'un "grand projet social" sans pour autant définir ses contours. Invoquant tour à tour notre géographie nationale des "territoires ruraux" aux "quartiers populaires", ainsi que les corps de métiers symboliques, des "agriculteurs" aux "fonctionnaires", il tente d'apporter la preuve qu'il ne s'intéresse pas uniquement aux gagnants de la mondialisation. 

Commandement n°3 : les pro-européens tu chériras

Fait remarquable dans cette mer de classicisme, l'appel au dépassement de la citoyenneté française via l'adresse du président à tous les européens. Soit le coeur de l'électorat macronien. Par cette convocation, Emmanuel Macron réaffirme l'absence de divergences entre les dimensions nationale et européenne, le tout à la veille d'élections décisives. "Nous avons besoin de retrouver une Europe plus souveraine, plus unie, plus démocratique, parce-que c'est bon pour nos peuples" soutient-il. Pour le chef de l'Etat, l'Europe peut devenir "cette puissance qui faire face à la Chine et aux États-Unis". Une habile manière de flatter notre ego hexagonal : Emmanuel Macron profite de la place laissée libre par Angela Merkel, empêtrée dans ses tentatives de coalition gouvernementale, pour incarner le leadership européen au fil de ses interventions internationales. 

Commandement n°4 : ta méthode tu présenteras

Cadrer son action et annoncer les réformes à venir : tel était l'enjeu pour le chef de l'État qui n'a eu de cesse d'employer les verbes d'action "faire" et "agir" tout au long de son discours. Objectif ? Paraître une nouvelle fois sous les traits d'un "faiseur" ou d'un "maker" selon le terme consacré. En d'autres termes, clore le chapitre de 2017 en défendant son premier bilan gouvernemental (loi travail et mesures prises en matière d'éducation nationale) et se projeter rapidement en 2018 via l'annonce du calendrier des grandes réformes beaucoup moins consensuelles (assurance-chômage, formation professionnelle, loi sur l’immigration, réforme de la Constitution). Autrement dit, se présenter sous les traits plébiscités par les Français : celui d'un président volontaire, qui applique à la lettre le programme établi pendant la campagne électorale tout en n'omettant pas de passer par la case "concertation" ("tous les débats seront conduits" et toutes "les voix discordantes (seront) entendues").  Soit une phase de dialogue débouchant sur un diagnostic partagé avant la mise en oeuvre du projet. Le triptyque immuable et pourtant si classique, devenu le symbole de la méthode Macron. Il a été élu pour « faire ce à quoi [il s’était] engagé » martèle-t-il. Cette stratégie ne diffère en rien de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande : eux aussi, à la même époque, avaient réussi à faire appliquer de nombreux points de leurs programmes, tout en égrainant lors de leurs voeux respectifs les premières mesures mises en oeuvre avec succès. « Je continuerai à faire ce pour quoi vous m’avez élu » clame-t-il sans oublier d'insister sur son commandement : "toujours, à la fin je ferai".

Commandement n°5 : un manager, tu resteras

"Demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays ». Si beaucoup de journalistes ont identifié dans le discours d'Emmanuel Macron la référence au discours d’investiture à la Maison Blanche de John Fitzgerald Kennedy de 1961 ("Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais bien ce que vous pouvez faire pour votre pays"), peu se sont attachés à la symbolique managériale de ces mots : le discours d'Emmanuel Macron rappelle en tout point celui des CEO. Une nouvelle fois, il présente sous les traits du "Chief executive officer" de la "start-up nation" France. Les tweets mis en valeur sur le compte Twitter d'Emmanuel Macron sont là pour le rappeler sans détour. 

Autrement dit, un discours managérial pour délivrer sa vision et son cap qui n'est pas sans rappeler la méthode d'action des CEO fraîchement nommés. Depuis son arrivée à l’Elysée, le chef de l’Etat reçoit ainsi avant leur prise de fonction les futurs directeurs d’administration centrale, en tête-à-tête à la manière d'un grand patron, pour leur fixer une feuille de route et s'assurer de leur soutien. Peu à peu son style tout à la fois pyramidal et transversal s'affirme avec succès lors de ses prises de parole faisant de lui un chef autoritaire et proche. Comme en entreprise, la communication est verrouillée et lisse pour laisser le moins de prises possibles aux aspérités. 


Anne-Claire Ruel

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