L'article qui suit a été publié par Radio Rozana. Ahmed, un jeune syrien ayant rejoint l'Armée Libre au début de la révolte, a payé ce choix au prix fort. Ayant perdu sa jambe, suite à une grave blessure au combat, il a entamé il y a près de deux ans un autre long combat pour avoir une prothèse. La journaliste Céline Ahmed l'a rencontré, à Istanbul, en juin 2014. Toujours installé en Turquie, Ahmed poursuit sa lutte, en vain jusqu'ici.
"Oui, j'ai vu l'injustice de mes propres yeux", dit Ahmed. "J'avais pris part à une manifestation pacifique. Je portais des rameaux d'olivier en signe de paix. Mais les forces de sécurité ont tiré sur nous, à balles réelles. C'est ce qui m'a incité à rejoindre les rangs de l'Armée Syrienne Libre et à leur faire parvenir de nombreux équipements".
Ahmed n'oubliera jamais l'instant de sa blessure: celle-ci a failli lui coûter la vie. 12 heures d'hémorragie, une attente interminable. Il avait été impossible de le transporter à l'hôpital. Poursuivi par les forces de sécurité, il a survécu aux cinq balles qui lui avaient transpercé la jambe. Il lui a fallu alors parcourir une très longue distance, en se traînant au sol, tenant la jambe blessée dans sa main.
Les habitants du quartier n'ont pas osé prêter assistance à Ahmed. Ils se sont contentés de le suivre des yeux, derrière leurs fenêtres. "Tout ce que j'ai pu faire à ce moment-là, ça a été de me cacher sous un véhicule. J'y suis resté une dizaine de minutes. Et puis, une femme m'a vu. Elle m'a tiré de là, m'a emmené dans un endroit plus sûr, d'où l'on a ensuite pu me transporter vers un hôpital de campagne".
C'est depuis un véritable parcours du combattant qu'Ahmed a entamé, à la recherche d'une nouvelle jambe. Il a choisi de se rendre en Turquie dans l'espoir de réaliser de grands rêves. Car, oui, ce jeune homme a encore la volonté de mener une vie normale. Il a cru que la chance lui avait souri, début 2014, lorsqu'un organisme français d'aide aux Syriens a pu lui fournir une prothèse. Mais il a fallu ensuite subir une première chirurgie qui a échoué. Une seconde chirurgie a alors suivi, et fût un second échec. La prothèse n'était simplement pas compatible avec sa blessure et avec le reste de sa jambe. Ahmed a donc décidé de s'adresser au Conseil National Syrien, puis à la Coalition Nationale de l'opposition, mais toutes ses tentatives sont restées sans succès. "J'ai consacré ma vie à la Révolution", dit Ahmed. "Et je ne vais pas m'arrêter aujourd'hui. Je ne demande d'argent à personne. Tout ce que je veux, c'est un traitement durable pour ma blessure".
Dans cette souffrance, Ahmed garde toujours le sourire. Il reconnaît, toutefois, que cette blessure l'a transformé. Autrefois, il avait peur de la mort. Aujourd'hui, il a peur de la vie, et de l'inconnu.
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