Marc Trévidic est un intéressant mélange: Quand il ne traque pas les terroristes et les délinquants en col blanc, ce juge tenace lache ses dossiers ultra-sensibles et prend son stylo pour écrire des livres.
Décortiquer les ressorts psychologiques de ses "clients" mais aussi la valeur du mot "justice" pour les uns et les autres. Pourquoi un puissant ne se contente t'il pas de ce qu'il a? Comment en est-on arrivé à ce niveau de corruption? Que vaut notre Justice face aux turpitudes du monde d'aujourd'hui? .... Après deux livres consacrés au terrorisme, le magistrat pose un regard acerbe sur d'autres de ses clients: les grands délinquants issus de la finance et de la politique. Ceux là aussi il les affronte dans le cadre de certains de ses dossiers qui, en matière de coups tordus, se posent là: attentat de Karashi au Pakistan, meurtre des moines de Tibhirine en Algérie! Dévoiement, pressions, arrogance, argent détourné... Dans son essais, le "petit juge" tente de comprendre les défaillances de ces puissants qu'il poursuit dans ses enquêtes. Sa parole est rare mais, profitant de la promotion de son livre, j'ai pu l'interviewer et il a accepté de me répondre tant sur les dérives des élites que sur les djihadistes, les deux fréquentant quotidiennement son bureau de la galerie Saint Eloi.
"Qui a peur du Petit Méchant Juge?", éditions Jean Claude Lattès. En librairie le 1er octobre
. Sur les pressions :
"Oui bien sur il y en a, évidemment. Quand vous touchez un dossier qui concerne un contrat d'armement , avec des sommes incroyablement élevées qui circule dans un monde complètement parallèle, totalement déconnecté, que la question n'est même plus de gagner l'argent pour son entreprise mais simplement de générer des commissions et pouvoir en profiter entre bons amis... "
. Sur la corruption:
"...Il y a ceux qui vous montrent qu'ils ne vous craignent pas, ils instaurent immédiatement un rapport de force. Il y en a d'autres personnes qui essaye de vous considérer comme un allié. Il essaye de vous mettre dans sa poche. Ce n'est pas à proprement parlé de la corruption. Même parmi les juges, il y en a qui sont fascinés par la sphère du pouvoir"...
. Sur "l'ancien Président qui voulait le redevenir":
"... On sait très bien que Nicolas Sarkozy a eu des amis magistrats qui ont obtenu certains postes et qu'il a placé à certaines places stratégiques parce qu'il voulait contrôler la justice"
. Sur le terrorisme:
"...Vu l'ampleur du phénomène syrien et irakiens, on est un peu débordé. On a pas encore assez d'effectif mais le vrai problème, c'est le traitement judiciaire : Qu'est-ce qu'on fait de ces jeunes de 15,16 ans que nous arrêtons? On peut les mettre un peu en prison et après? Comment être certains qu'ils ne sont plus dangereux?"
"...Dans mon bureau, je reçois les djihadistes de retour. Tous me disent qu'ils ont compris que ce qu'ils ont fait est mal, qu'ils trouvent que là-bas, c'est horrible et qu'ils ont été trompé! Mais comment savoir s'ils sont sincères?"
"...Aujourd'hui on cumule les risques: celui d'un attentat commis par homme seul ou une action de grande ampleur organisée et structurée par le groupe État islamique"