Flag d'héroïne et boum du nombre de consommateurs

Au cours des cinq dernières années, entre 300 et plus de 600 kilos d'héroïne ont été saisis chaque année en France

La scène s'est déroulée hier en plein Paris. Les policiers des stups sont "en planque" comme ils disent, prêts à intervenir. Le dispositif n'a pas été simple à organiser car la transaction qu'ils comptent surprendre a lieu dans une rue, réputée pour être une chasse gardée des trafiquants de drogue. Le jour s'est levé. Les enquêteurs guettent. Soudain trois hommes arrivent. Ils ont 30 ans à peine. L'un d'eux porte à l'épaule un sac de sport. Ils ont l'air aux aguets. Ce sont eux que les policiers attendaient. En quelques secondes, tout est fini. Les "cibles" sont menottées, embarquées dans les voitures banalisées. Pas question de traîner dans le quartier. Les trois hommes, un Belge et deux Français, sont placés en garde à vue dans les locaux de l'Office central de la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants.

10 kg d'héroïne

Dans le sac, il y a 10 kg d’héroïne. "Nous ne savons pas encore si elle est de bonne qualité, explique le commissaire François Thierry, il faut le temps de l'analyser en laboratoire." En aparté le commissaire m'explique qu'il n'y a que dans les films que l'on goûte la drogue pour voir si elle est pure ou non: "Se frotter les gencives avec de la poudre peut tout juste indiquer si la dose d’anesthésiant habituellement utilisée pour couper l’héroïne est importante."  Quoiqu'il en soit, les enquêteurs sont satisfaits du résultat car une saisie d’héroïne aussi importante (350 000 euros à la revente) est très rare. "C'est le trafic est le plus difficile à remonter. Des saisies de cette importance en France, nous ne parvenons pas à en faire plus de 2 ou 3 par an", souligne le commissaire. En général, les policiers ne parviennent qu'à saisir quelques doses en partant d'un consommateur, ils appellent ça "un micro trafic". Il est très rare de remonter jusqu'aux dealers, qui plus est à des grossistes comme apparemment le sont les 3 hommes interpellés, car les routes qu'emprunte l’héroïne sont complexes.

"Pour repérer un trafic, nous mettons des 'veilles' technique ou humaines (des policiers infiltrés) sur les routes de la drogue. Pour le trafic de cannabis, c'est assez linéaire car tout part du Maroc, le pays producteur, jusqu'à la France via l'Espagne. Idem pour la cocaïne qui quitte le Venezuela ou la République Dominicaine et arrive directement chez nous... Le trafic d’héroïne, lui, est morcelé entre plus d'une dizaine de pays de transit. Le pavot est produit en Afghanistan. Il est ensuite transformé dans des laboratoires iraniens, explique François Thierry. "Vous noterez que ce ne sont pas spécifiquement des pays amis! Ensuite l'héroïne circule dans une multitude de pays alentours, traverse l'Arabie Saoudite, la mer Rouge et retrouve les grandes routes commerciales d'Afrique de l'Ouest pour remonter en Belgique et aux Pays-Bas, avant de redescendre vers la France !"

Explosion de la consommation d'héroïne

Les policiers ont décidé de mettre le paquet sur le trafic d’héroïne car depuis un an, la consommation serait en nette progression. Et ce,  après plus de 15 ans de stagnation. Il faut savoir que la France fait figure d'exception dans le paysage de la toxicomanie européenne et mondiale. Certaines drogues qui ont fait fureur dans d'autres pays, n'ont connu que peu de succès chez nous. Par exemple le LSD, très en vogue dans les pays anglo-saxons dans les années 70/80, a fait un flop en France. Idem pour les drogues chimiques : elles ont connu un succès certain chez nous, mais rien à voir avec leur essor en Europe de l'Est ! un constat qui laisse pensif lorsque l'on sait que nous sommes les premiers consommateurs de psychotropes d'Europe....

Pour l’héroïne, notre pays connaissait depuis une quinzaine d'années une stagnation, avec en moyenne quelques 160 000 consommateurs, vieillissants et en général bien repérés par les services sociaux. Mais il y a deux ans environ, de nouveaux toxicomanes ont été identifiés. Plutôt des jeunes gens, âgés de 20 à 35 ans et très accrochés. Les services sociaux comptent quelque 50 000 de ces nouveaux consommateurs. Un chiffre en constante augmentation. A l'heure actuelle, il est difficile d'apporter une explication claire à cette évolution, mais les policiers pensent qu'elle peut être liée à l'installation récente en France de jeunes adultes venus des pays de l'Est, région d'Europe où la consommation d’héroïne est en plein boum.