Déni, défi, dédit : en finir avec les effets d’annonces contreproductifs.

crédits photo: Eric Feferberg/ AFP - francetvinfo.

Si, point n’est besoin d’espérer pour entreprendre … comme disait Guillaume d’Orange, force est de constater que la France de 2014 va devoir entreprendre véritablement les réformes pour être en mesure de redonner de l’espoir. C’est de là que repartira, ou ne repartira pas, l’économie française. Il faut en finir avec les annonces, les effets d’annonces, les incantations en tous genres. La technique est usée et peine de plus en plus à produire les effets bénéfiques attendus. Prévoir un déficit budgétaire limité (mais encore excessif pour 2015), via notamment une prévision de croissance (à 1%) que nombre d’observateurs jugent trop optimiste ne suffira pas.

 

Enseignements pour 2015 

Déni

On peut plus faire mine d’ignorer la gravité de la situation en envoyant des signaux aux français comme l’attente d’une inversion de la courbe du chômage, ou les annonces de nombreuses réformes … systématiquement recadrées.

Défi

Toutes ces annonces sonnent comme autant de défis à l’Union Européenne qui réclame beaucoup plus à la France, et qui attend surtout des résultats.

Le projet de budget pour 2015 doit être envoyé à la commission européenne le 15 octobre, et on semble croire que le président sortant José Manuel Barroso ne voudra pas retoquer le budget français. Mais le pourrait-il vraiment ? (voir notre précédent post http:// www  Et si la France faisait des « déficits sans pleurs ? » 30/09/2014). La France étant souveraine en matière budgétaire, en l’absence d’une Europe totalement fédérale, il n’y a donc pas de dédit à attendre d’un Manuel Valls qui a dit « n’accepter de leçons de bonne gestion de personne » car « c’est nous qui décidons de notre budget » ajoutait-il encore.

Dédit ?

Mais peu de temps après, Michel Sapin, après avoir juré que rien ne changerait (pas d’économies supplémentaires et pas de nouvelles hausses d’impôt) semble revenir en arrière, on le dit prêt à « ouvrir la porte à une modification du budget » (selon Reuters). La politique tango est toujours en vigueur !

Une fois de plus la France et les français risquent de faire les frais d’un certain aveuglement du pouvoir politique, aveuglement doublé d’une certaine inflexibilité. Le budget prévu pour 2015, si rien ne change, c’est-à-dire sans retour inopiné de la croissance venue d’outre atlantique, et/ou sans réduction de la dépense publique, risque fort d’être trop optimiste et pourrait une fois encore s’achever sur un déficit fin 2015 supérieur aux prévisions.

On ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ! (Lincoln)

Il faut arrêter de croire que l’on peut facilement, impunément et discrètement climatiser l’opinion. Si la rationalité –une forme de clairvoyance - ou le simple bon sens animent les individus, de telles entreprises de manipulation sont peine perdue. Manipulation, le terme peut sembler excessif et évoquer des usages que seuls les dictateurs affectionnent. Ici, il est à prendre au sens de la politique économique, lorsque que le pouvoir, qui décide des mesures, se croit aussi apte à décider jusqu’aux résultats, convaincu qu’il est de pouvoir influencer les agents. Il semble croire en l’autoréalisation de ses annonces, estimant qu’il suffirait d’évoquer la mise en place future d’une réforme pour en obtenir les effets positifs et incitatifs nécessaires à une modification des comportements dans le sens attendu. Mais qui peut encore y croire ? Donner, par exemple, un supplément de pouvoir d’achat à des agents qui développent une aversion au risque - croissante et légitime en univers de plus en plus incertain- ne conduit pas à plus de consommation et plus de croissance. Le multiplicateur est grippé, les agents frileux préfèrent la consommation future c’est-à-dire l’épargne (ici) de précaution, en vue de lendemains qui déchantent. Ils ont appris des expériences passées et de leurs erreurs.

N’oublions pas l’adage de Lincoln, posant qu’ « on peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps.» !

L’écueil du « paradoxe de la crédibilité »

Le gouvernement français pourrait fin 2015 buter sur le « paradoxe de la crédibilité » ( D. Goyeau). Ce concept énonce que c’est lorsqu’il en a le plus besoin, c’est-à-dire lorsque la situation économique dégradée impose de prendre des mesures plutôt impopulaires, que malheureusement, le gouvernement n’est pas crédible. Et paradoxalement, lorsqu’il est crédible, la situation économique est souvent bien orientée, de sorte qu’il n’a pas à entamer sa crédibilité.

Ce scenario pourrait fort bien se produire en France, reste à vérifier le degré de rationalité ou de clairvoyance des français et leur capacité à accepter des mesures de rigueur. Ceci suppose aussi un certain degré d’altruisme de leur part, car souvent ceux qui contribuent (via des hausses d’impôts par exemple) ne sont pas toujours ceux qui bénéficient de la hausse de la dépense publique.

Et si la « politique du pire » était la meilleure option à disposition du gouvernement sortant en vue de 2017 ?

Mais lorsque le budget dérape et que le gouvernement laisse filer les déficits, la dépense publique accrue fait des heureux au sein de son électorat captif et le pouvoir peut ainsi trouver un certain soutien politique. Cette hypothèse est renforcée par la prise en compte du calendrier électoral, plus l’on s’approchera de 2017 et plus le gouvernement sera tenté par un certain laxisme budgétaire.

Que cette pratique soit efficace électoralement parlant, rien n’est assuré, en cas d’inefficacité, c’est la politique du pire qui s’exprimerait alors. Cette proposition, bien que teintée de cynisme, n’en est pas moins envisageable. Ainsi, le sortant (François Hollande ou Manuel Valls) maximiserait ses chances pour 2022, étant donné le lourd fardeau qu’il laisserait à une opposition, victorieuse dans les urnes en 2017 mais avec un défi encore plus difficile à relever.