Alors que le parti socialiste subit l'épreuve du pouvoir, les élections municipales des 23 et 30 mars représentent pour la droite une opportunité importante : celle de reprendre à la gauche des dizaines de municipalités.
Les précédentes vagues bleues eurent lieu en 1983 et en 2001. Peut-on en tirer des enseignements pour 2014 ?
1983 : une impopularité qui ouvre la voie à la cohabitation
Deux éléments caractérisaient l'ambiance de l'année 1983 : la fin de l'union de la gauche et celle d'un certain état de grâce. L’euphorie de l’arrivée de la gauche au pouvoir le 10 mai 1981, avec dans la foulée l’entrée de ministres communistes au gouvernement, a semblé répondre aux attentes du peuple de gauche. Mais moins de deux ans plus tard, la crise économique a eu raison de la popularité du chef de l’Etat, François Mitterrand compte désormais plus de mécontents que de satisfaits.
En 1983, la vague bleue se joue en deux temps. D'abord lors des municipales de 1983, puis lors des législatives de 1986, qui voient se mettre en place, à la faveur d'un nouveau mode de scrutin (un seul tour avec système proportionnel), la première cohabitation. Cohabitation réduite sous l’effet du score du FN, qui peut constituer un groupe de 35 députés à l’Assemblée Nationale. 1983 fut aussi la première élection locale après la mise en place des Lois Deferre sur la décentralisation. La modification du mode de scrutin permet notamment l’entrée de l’opposition dans les conseils municipaux.
Installé à l’Elysée en 2012 François Hollande va très vite subir les affres d’un déficit de popularité. Il aura, avec Jacques Chirac, un des plus courts états de grâce de la V° République.
Or, une trop faible crédibilité de l’exécutif national peut impacter directement les conditions de réélection des sortants aux élections locales et notamment aux municipales. Même bon gestionnaire, le maire sortant peut subir les effets collatéraux d’un vote sanction qui ne lui est pas directement adressé mais que, faute de mieux -entendez faute d’élections présidentielles ou législatives à court terme - on envoie par son intermédiaire. Pour les sortants qui ont un potentiel électoral fragile, ne leur garantissant qu’une courte victoire, l’enjeu est de taille et le risque élevé.
2001 : le FN en embuscade
En 2001, Lionel Jospin est le Premier ministre de Jacques Chirac, et les municipales sont les dernières élections avant la présidentielle qui arrivera un an plus tard. Mais cette fois l’exécutif est populaire, Chirac comme Jospin ont un excédent de popularité de sorte que les deux hommes en neutralisent les effets pour leurs camps respectifs.
En 2001 la courbe du chômage va se retourner … mais pas dans le bon sens ! En effet la gauche vit encore dans l’illusion d’une situation correcte du chômage, elle ne verra pas que la courbe amorce un retournement traduisant une détérioration de la situation sur le marché du travail. Détérioration qui est en réalité globale et qui va ainsi affecter les chances de réélection des sortants aux municipales.
En 2001 – comme en 2014 ? – la droite ne croyait pas à la vague bleue. La popularité de Lionel Jospin donnait confiance à la gauche et engageait les maires sortants à se prévaloir de leur filiation socialiste. Personne ne l’a vu venir à l'époque, mais l’élection a servi de tour de chauffe à la présidentielle. Un an plus tard, le FN parvient au second tour de la présidentielle, en barrant du même coup l'accès au Premier ministre candidat. Et pourtant, les scores du FN en 2001 ne permettaient pas de prévoir une telle situation.
2014 : le spectre de l'abstention et de "quadrangulaires"
Aujourd’hui on retrouve des points communs avec 1983 et/ 2001 : la crise est installée, le déficit de popularité de l’exécutif latent et durable, mais le vote sanction est-il pour autant dans les tuyaux ?
C’est possible, si l’asymétrie du blâme s’exerce. En France, on aime râler et on le fait plus souvent pour des trains qui n’arrivent pas à l’heure que lorsque tout va bien. Il en va de même en politique : les mécontents crient plus fort que les satisfaits, ils risquent aussi de s’exprimer plus, de se mobiliser plus… Restent les satisfaits et les fidèles, qui n’auront peut-être pas tous la force d’exprimer un vote de soutien. Ils seront alors tentés par la défection : aller à la pêche plutôt qu’aller voter. L’abstention risque d’être forte, et plus forte à gauche qu’à droite. Si ceci était avéré alors oui, une vague bleue est possible.
Reste un bémol : la vague pourrait se briser sur des stratégies électorales incontrôlées où les partis ne parviendraient pas à faire l’union. Dans ce cas on ne parlerait pas des triangulaires classiques, où le FN fait barrage à la droite et permet la victoire de la gauche, même lorsqu’elle est plus faible en voix. Non, ici on pourrait avoir des quadrangulaires, voire des pentagulaires et, dans ce cas on aurait un véritable avis de tempête, mais difficile d’annoncer la couleur de la vague !