A moins de deux mois des élections, l'union sacrée est un concept qui n'a pas cours pour Mitt Romney. Avant même que le bilan des attaques anti-américaines meurtrières de mardi en Libye et en Egypte soit connu, le candidat républicain a vertement critiqué Barack Obama, coupable selon lui de se montrer trop compréhensif avec les assaillants.
Point de départ de sa critique : la publication par l'ambassade américaine au Caire d'un communiqué dénonçant le film anti-islam à l'origine des manifestations. "Nous condamnons fermement les agissements de ceux qui abusent de la liberté d'expression en offensant les croyances religieuses d'autres personnes", précisait le texte.
Le retour d'une vieille rengaine
Comme le montre la chronologie établie par le New York Times, celui-ci a été diffusé mardi soir pour tenter d'apaiser la situation en Egypte. C'est à dire avant l'attaque de Benghazi, en Libye, qui contrairement aux manifestations du Caire, s'est soldée par la mort de quatre personnes, dont l'ambassadeur américain. Peu importe pour Mitt Romney. Le candidat républicain accuse aussitôt l'administration Obama d'avoir montré une forme de "sympathie avec ceux qui ont perpétré les attaques". Pire, selon lui le président semble "demander pardon pour les valeurs de l'Amérique".
Les mots qu'il choisit n'ont rien d'innocent : ils marquent le retour d'un thème favori des opposants à Barack Obama, qui a émergé aux premiers temps de sa présidence. Le président démocrate souhaitait alors se démarquer de son prédécesseur en promettant au monde de diriger une Amérique moins "arrogante", capable de redonner leur juste place à ses alliés et de tendre la main au monde musulman. Une position insupportable pour les anciens faucons de l'ère Bush, le stratège républicain Karl Rove à leur tête, qui lui collèrent aussitôt l'étiquette du "président qui demande pardon".
Depuis, cette critique venue de l'aile droite du parti républicain a régulièrement ressurgi. Mitt Romney l'a très tôt reprise à son compte en publiant en 2010 le livre qui devait servir de base à sa campagne, intitulé No Apology : The Case for American Greatness (qui peut se traduire par Je ne demanderai pas pardon, ou pourquoi l'Amérique est une grande nation). Objectif avoué : présenter par contraste Obama comme un président faible face aux ennemis de l'Amérique, voire anti-patriotique.
Une attaque à double tranchant
Cette fois, Mitt Romney a sans doute été trop prompt à saisir la perche. Mercredi matin, le discours solennel de Barack Obama dans les jardins de la Maison Blanche, condamnant fermement les attaques, a contrasté avec l'attaque partisane et précipitée de son rival, lancée alors que les émeutes étaient toujours en cours.
Les arguments de Romney n'ont d'ailleurs pas été reprises par les ténors républicains : Eric Cantor et Mitch McConnell, respectivement chefs de file de leur parti à la Chambre des représentants et au Sénat, ont refusé de critiquer le président et appelé au recueillement et à la solidarité avec les victimes. Barack Obama a enfoncé le clou, mercredi après-midi au micro de CBS, en critiquant vertement Mitt Romney pour sa tendance à "dégainer trop vite".
Un danger réel pour la campagne du président
Il n'empêche : la série d'attaques violentes contre les intérêts américains, qui s'est poursuivie ce jeudi au Yémen, n'est pas une bonne nouvelle pour le président. Le parti républicain critiquait déjà l'intervention en Libye, accusant le président de l'avoir menée sans l'aval du Congrès. Cet épisode sanglant souligne que la situation du pays, comme celle des autres Etats traversés par le printemps arabe, est loin d'être stabilisée, et oblige le président à défendre âprement sa politique vis-à-vis du monde arabe.
La politique étrangère, jusqu'ici absente de la campagne, sera justement au menu du dernier débat de la présidentielle, qui opposera le 22 octobre Mitt Romney et Barack Obama : nul doute que le républicain lui demandera des comptes sur la situation en Libye.