"Reconstituant". Outre une boisson censée gommer la fatigue ou une indisposition passagère, généralement alcoolisée, le terme désigne de drôles de gens. Des hommes (et quelques femmes) qui passent leur week end à reconstituer des scènes de batailles, pour entretenir une mémoire concrète. Il y en a pour toutes les guerres. Peut-être avez vous vu les immenses recréations de la bataille de Waterloo, où Belges et Britanniques rejouent les assaut ? Curieusement, il y a peu de Français ; on se demande pourquoi... :). Pour la Grande Guerre, ils sont plus nombreux !
Maxime Baschirotto est de ceux-là. Il pouvait difficilement y échapper. Il a vu le jour il y a 22 ans... à Verdun. "Quand j'étais petit, explique-t-il, les lieux de randonnées étaient forcément sur le champ de bataille. les promenades dominicales nous conduisaient sur les lieux de tel assaut, de tel boyau, de tel village disparu. mes parents n'avaient pas de but pédagogique. C'était comme ça."
Anne-Laure Cailler (la responsable d'édition des spéciales), et moi avons connu Maxime Baschirotto sous la voûte de l'ossuaire de Douaumont. Nous tournions là l'émission qui prolongeait "Apocalypse Verdun" en février dernier. (https://blog.francetvinfo.fr/editions-speciales-les-coulisses/2016/02/09/les-livres-de-la-speciale-apocalypse-verdun-3-apocalypse-verdun.html). Marie Drucker avait tenu à interroger un reconstituant afin de varier les points de vue et de sortir du simple débat autour d'une table.
On a eu un peu peur au premier abord. L'homme est sérieux, précis, du genre qu'il vaut mieux écouter parce qu'il ne répétera pas... En fait on avait tout faux. Il est plutôt souple et sait parfaitement transmettre sa passion. Je me souviens avoir été frappé de la voir encaisser les lumières du plateau, l'agitation propre à la préparation d'une émission de télévision et le fait de parler en présence d'historiens très exigeants.
C'est pour cela que nous l'invitons à nouveau. "C'est ma grand mère qui m'a donné le goût de l'Histoire. Elle est née en Italie, à Florence, et est arrivée en 1920 en France pour fuir le fascisme. Son père, mon arrière grand père, donc, a combattu en 14-18, dans les chasseurs alpins italiens. Je me souviens de sa photo, en uniforme des "alpini". Il me fascinait. J'ai beaucoup fait parler ma grand mère de son histoire, essentiellement liée à la deuxième guerre mondiale, et je m'en félicite aujourd'hui. Elle s'est éteinte à l'âge de 91 ans."
Maxime est devenu reconstituant à douze ans ! Il a rejoint l'association Les Poilus de la Marne (oui, je sais, Verdun n'est pas dans la Marne et non, ce n'est pas une erreur) l'an dernier. La Grande Guerre est devenue son métier : il est guide conférencier à l'office du tourisme de Verdun.
Vendredi à 9h50, il présentera son uniforme et commentera, avec Nicolas Chateauneuf, une tranchée dans notre séquence consacrée aux obus (https://blog.francetvinfo.fr/editions-speciales-les-coulisses/2016/11/09/un-milliard-dobus.html). "Des hommes se sont sacrifiés pour que nous soyons libres, explique-til sans lyrisme. Il faut que tout le monde le sache ! Il faut transmettre !" Et si l'on suggère prudemment qu'il est peut-être un peu geek, comme les poilus ne disaient pas encore, il répond sans faux semblant. "Vous savez j'ai une vie à coté ! Oui, ma passion est chronophage, mais j'ai appris le partage dans mes reconstitutions de tranchée ; on m'a enseigné l'art de la pédagogie, et des valeurs. Il y a plein de choses que je n'aurais pas apprises sur moi même si je n'avais pas fait ça."
Texte et photos Pascal Doucet-Bon