Marie Drucker le montrera à l'antenne demain dans la spéciale 11 novembre. C'est le dernier né de ce qui est en train de devenir une collection au principe simple : éditer de beaux livres d'Histoire pour montrer à tous le fabuleux fond de L'Illustration. L'équipe actuelle de ce mythe de la presse française est un partenaire informel fidèle de nos spéciales. C'est pour cela que je vous parle aujourd'hui de ce livre, même s'il n'a pas de lien direct avec 14-18. Les images de voitures ont rythmé la vie du plus grand journal du Monde dans la première moitié du XXème siècle. L'enjeu était esthétique, économique et politique. La revue leader mondiale parlait des industries leaders mondiales : l'automobile et l'aéronautique françaises (les mêmes constructeurs en général).
Le magazine qui a tout inventé
L'Illustration est née en en mars 1843. Ses fondateurs voulaient ce magazine libéral au sens sociétal du terme, culturel et politiquement neutre. La clientèle visée est bourgeoise, et accepte de payer deux fois plus cher que toutes les autres revues de l'époque. Comme son nom l'indique, l'Illustration privilégie l'image : le succès est très rapide.
Les meilleurs dessinateurs, les meilleurs graveurs travaillent pour le magazine, qui, de plus, invente une nouvelle forme de journalisme : le reportage-témoignage, dans lequel le journaliste cherche ses propres sources, éventuellement exclusives : c'est la naissance du journalisme contemporain.
Le scoop du Potemkine
Ainsi, L'Illustration est le seul journal à produire de véritables photos du cuirassé Potemkine. Les autres journaux trichouillent avec des images de bateaux similaires, selon une technique qu'on connaît encore aujourd'hui... La preuve par l'image, le caractère universel de la ligne éditoriale : le mythe de L'Illustration est en route. Pendant la guerre des Balkans, les estafettes du journal multiplient les aller-retours entre le front et le journal, en train, à cheval, sans s'arrêter pendant 72 heures ! Résultat : le magazine est systématiquement en avance sur ses concurrents. Un peu comme France 2 et FTVI aujourd'hui... (Non je ne suis pas de mauvaise foi !)
Une histoire familiale
En 1904, la famille Baschet prend le contrôle du titre. La production est modernisée, l'offre encore plus tournée vers l'image, avec l'introduction de la couleur en 1907. Le tirage explose : 284000 exemplaires en 1914. Record du monde. Pendant la grande guerre, les journalistes de L'Illustration subissent comme les autres la loi sur la censure, mais la contournent avec prudence en montrant les dégâts des bombardements. Clemenceau est à la fois Président du Conseil et... Collaborateur du journal ! Sans être aux ordres, L'Illustration est une institution, avec ce que ça comporte de légalisme.
Dans les années 30, Le magazine fait construire l'imprimerie ultra moderne de Bobigny, qui abrite aujourd'hui la faculté de Saint Denis. Un chef d'oeuvre de béton et de briques.
La deuxième guerre mondiale
Pendant la guerre, René et Louis Baschet sont mis devant le fait accompli : un collaborateur est parachuté à la tête du journal. L'Illustration devient un organe de propagande de Vichy. Il ne s'en remettra pas. Les Baschet seront poursuivis de 1944 à 1954. A cette date ils récupèrent de haute lutte la propriété de leur journal. Mais entre temps les tentatives de relances par d'autres sous le titre France Illustration sont un cuisant échec. Pire, en 1955 paraît un certain Paris Match. L'Illustration n'est plus de taille, et disparaît après plusieurs soubresauts et malgré sa reprise de contrôle par les Baschet.
La renaissance numérique
Depuis quelques années l'un des héritiers, Jean-Sébastien Baschet, fait en sorte de faire revivre le fabuleux fond de L'Illustration : c'est l'avènement de l'Illustration.com, un site par abonnement qui donne accès à tous les numéros. La caverne d'Ali Baba des amateurs d'Histoire !
"La numérisation a été un travail de titan, explique Jean-Sébastien Baschet. Je l'ai confié à des moines, qui étaient très compétitifs" Les moines copistes du XXIème siècle : l'outil change, le sacerdoce demeure. "L'investissement, sur le montant duquel je ne souhaite pas communiquer, était très lourd, poursuit-il, mais le succès est là. Je voudrais maintenant développer des partenariats avec l'éducation nationale, l'Enseignement Supérieur, et tout acteur de bonne volonté"
Et parallèlement, les beaux livres cartonnent. L'an dernier, nous avions parlé du précédent opus au 13h d'Elise Lucet et dans notre spéciale 11 novembre. Il était consacré au traitement de la grande guerre dans L'Illustration sous la plume de jean-Louis Festjens. L'ouvrage est en route vers les 20000 exemplaires vendus ! Il était en tête des ventes de beaux livres à Noël dernier.