Lundi 7 septembre à 10h50, le rédaction prend l'antenne jusqu'à 13 heures pour la sixième conférence de presse du quinquennat de François Hollande.
Jeff Wittenberg, l'un des deux grands reporters qui suivent l'actualité du "PR", est un habitué de ces rituels politico-médiatiques, à la fois examen de passage -pour le président bien-sûr et parfois pour les journalistes- et bal des vaniteux.
Comment la communication de l'Elysée organise-t-elle l'aléatoire ? Quelles sont les limites fixées aux journalistes, ou qu'ils se fixent eux-mêmes ? Quelques éléments de réponses :
11 heures précises. Ou presque. Même ce jour-là, il arrive à François Hollande d’avoir quelques minutes de retard sur l’horaire officiel. C’est le début du « Grand Oral », de la « grand’messe », de la grande explication présidentielle avec sa « scénographie ». Les clichés sont eux aussi au rendez-vous.Ce sera donc lundi, une nouvelle fois, l’arrivée majestueuse, dans la salle des Fêtes ; l’homme seul face à la presse. Face à l’opinion. Face à la France. Derrière lui, un faux décor rajouté au vrai pour faire encore plus solennel, encore plus élyséen dans l’œil de la caméra. Le gouvernement au complet et en rangs serrés à sa droite, François Hollande peut se lancer.
En être ou pas,
telle est la première question que (se) posent les journalistes politiques. Les organisateurs des deux premières conférences de presse étaient assez souples avec les rédactions. Ainsi, France 2 est allé jusqu'à avoir cinq de ses représentants pour assister à l’événement. On entrait alors avec une simple carte de presse. Epoque révolue. Les clés ont changé de main à la com’ de l’Elysée. Le jeune Gaspard Gantzer est intraitable.
Car les places sont chères, les correspondants étrangers de plus en plus nombreux. Désormais, deux chaises maximum par media ; et une seule question, la conférence de presse est plus courte ; chaque rédaction veut poser la sienne, il en va de sa crédibilité.
Des questions préparées ?
Oui, le service de presse de l’Elysée sait à l’avance qui va poser la, et même les trois ou quatre premières questions . Affaire d’organisation, de fluidité, éviter tous les doigts qui se lèvent en même temps- on revient à la scénographie -. Affaire aussi de préséance. Les grands media nationaux considèrent qu’il est bon d’être vu et entendu parmi les premiers.
Non, ce même service de presse n’en connaît pas le contenu. Une exception peut-être, en janvier 2014 ; chacun savait que la première question, posée par Alain Barluet, journaliste au Figaro et président de l’association de la presse présidentielle, ne pourrait que porter sur les révélations de Closer et le sort de Valérie Trierweiller. « Est-elle toujours la première dame de France ? » avait osé le confrère, mal à l’aise, de son propre aveu, sur ce terrain-là. Car, voyez vous, les questions sur la vie privée, cela ne se fait pas, nous ne sommes pas aux Etats-Unis. Bizarrement, tout cela est jugé un peu dégradant par les journalistes politiques. Il faudra attendre la huitième question, pour que le sujet, vite évacué par le président, revienne sur le tapis.
Beaucoup d’appelés donc à la conférence de presse, et peu d’élus. Les doigts se lèvent, mais seul Gaspard Gantzer distribue le micro. Ou plutôt d’un petit signe, le fait circuler par les attachés de presse répartis à gauche et à droite de la salle. Et si à la dixième question posée, votre tour n’est toujours pas venu, mieux vaut en avoir préparé plusieurs, il y a fort à parier que les sujets chômage, candidature de 2017 ou rivalité avec Nicolas Sarkozy auront été épuisés.
La conférence est télévisée. Ce jour-là, se joue aussi, parfois, le quart d’heure de célébrité. Se lever, se présenter, s’adresser directement au chef de l’Etat, ce n’est pas encore devenu banal.
On réentend d’ailleurs des journalistes éloignés de la profession, certains sont à la retraite. Leur question est particulièrement peaufinée et porte souvent sur la politique étrangère, la plus noble des matières.
Rite démocratique... et monarchique
Pas simple finalement de coincer le chef de l’Etat, désormais rompu à l’exercice. Familier des formules et des bons mots, il prend même plaisir, visiblement, à entendre les questions fuser, percutantes parfois, déstabilisantes rarement. Car, du haut de son pupitre, le président domine physiquement son public. Rien à voir avec une interview télévisée, en face à face, plus inconfortable.
Le Général De Gaulle lui aussi en était friand, il y a quelque chose d’un peu monarchique dans ces conférences de presse à grand spectacle. François Hollande y a manifestement pris goût.
Jeff Wittenberg