C'était Jean-Marie Le Pen (8)

La rentrée politique s'annonce chargée à quelques mois de la présidentielle et des élections législatives. En ces temps de vacances, l'histoire du Front national -  comme celle des autres partis et dirigeants politiques - est plutôt mise en sourdine. Elle continue, plus ou moins sporadiquement, avec quelques informations sur, par exemple, les lieux estivaux de Marine Le Pen et diverses réactions de dirigeants du parti à l’actualité française. Dernièrement, on a pu voir quelques photos de Marine Le Pen lors de la « Journée du chat » ou encore, lire un des derniers communiqués de presse du Collectif Usagers de la santé « Affaire de la Dépakine : vers un nouveau scandale d’État ».

Au FN, ces mois n’ont pas toujours été aussi calmes… pour les cadres du moins. À l’été 1979, ils ont même failli voir basculer l'histoire du parti. Sept ans après son apparition, le Front national ne parvient toujours pas à se faire une place dans le paysage politique français. L’assassinat de François Duprat (18 mars 1978) et les résultats des législatives du printemps 1978 (le FN recueille 3% des voix) n'ont fait que précipiter un peu plus les choses. Difficultés politiques, financières, logistiques et structurelles auxquelles s’ajoute un problème interne émergeant : le secrétaire général Alain Renault doit faire face à un courant solidariste de plus en plus fort, incarné par Jean-Pierre Stirbois, l’imprimeur du parti. Enfin, les retombées de l’héritage Lambert suscitent l'incompréhension des cadres. Le président du FN faisant immédiatement comprendre à son entourage politique que cet héritage est personnel et non politique. Certains considèrent que le parti vit ces derniers moments. Franck Timmermans, alors responsable de la fédération de Paris et membre du CC, en parle ainsi : « Lorsqu’en 1979 de nombreuses difficultés s’accumulent, que nous tenons même nos réunions à la bougie faute d’avoir pu payer l’électricité et que d’aucuns commencent à croire que le FN est fichu, alors l’incompréhension est totale. Le degré d’amitié intime avec Lambert qui, semble-t-il, était à l’origine de la bonne fortune de Jean-Marie ne justifiait pas ce qui apparaissait comme une attitude rétentionnaire et confiscatoire aux yeux de beaucoup des nôtres, l’application zélée de la loi au-delà de la succession devenant une circonstance aggravante. Nous avions de plus en plus de mal à argumenter sur le sujet ». Il poursuit : « Sous-estimant totalement le malaise existant », Jean-Marie Le Pen part en vacances, en Grèce, au début de l’été 79, « en laissant notre SG gérer une situation catastrophique ».

Franck Timmermans décide de lancer une pétition parmi les membres du comité central (CC) pour que celui-ci se réunisse incessamment... et pour éviter que Jean-Marie Le Pen ne mette la clé sous la porte à son retour, comme il semble alors y songer. Début juillet, le cadre du FN utilise les statuts de son parti pour demander aux membres du CC de saisir le président afin qu’une séance extraordinaire soit organisée à la fin du mois. Ses destinataires sont inviter à apposer leurs signatures au bas de la lettre envoyée s’ils pensent que « l’intérêt du Mouvement » exige la tenue de cette réunion. À la rentrée de septembre ou au congrès de novembre, ajoute-t-il, il sera « peut-être trop tard ». Franck Timmermans écrit notamment ceci au président du FN : « Les épreuves et les obstacles accumulés depuis bientôt huit mois nous obligent à réfléchir, à faire notre autocritique, voire même à nous redéfinir. La situation actuelle du Front national, tant morale que structurale et politique, doit être abordée dans les délais les plus brefs en comité central, et ce, malgré la période estivale, (...) peut-être la dernière occasion de reconsidérer notre organisation interne et nos rapports extérieurs. La vingtaine de signataires souhaite que les problèmes relatifs à l’organisation du mouvement soient évoqués, débattus après la lecture du rapport et d’une motion présentés par votre serviteur ». Sont proposées, entre autres, au bureau politique et à Jean-Marie Le Pen, la réorganisation du parti au niveau des instances dirigeantes et l’augmentation des cotisations et adhésions. Le FN doit faire face à un « endettement colossal » qui exige d’être résorbé dans les plus brefs délais.

Le nombre de signatures requis par les statuts est rapidement dépassé. Pierre Durand et Jean-François Chiappe mettent en garde Franck Timmermans contre la réaction prévisible de Jean-Marie Le Pen ; ce dernier pouvant considérer cette démarche comme une tentative de sédition, ou du moins, de rébellion ! La réunion du CC se tient… et la démarche initiée peut être considérée comme une sorte de déclic. Par exemple, sur le plan financier, des éléments se mettent en place comme le versement mensuel d’une cotisation « exceptionnelle » des membres du CC. La formation politique des militants ne va pas tarder à apparaitre ainsi que d'autres structures. Les propositions faites - et validées par le président du FN - vont constituer les fondements de l’organisation frontiste à venir. Les vacances de Jean-Marie Le Pen pendant l'été 1979 ont, pourquoi pas, permis de remettre en marche l'histoire du FN.