Depuis que le Front national existe, plusieurs logos se sont succédé. La première flamme est concomitante à la naissance du FN, en octobre 1972. La version d’origine du logo frontiste témoigne des liens existant entre la formation politique française et le parti fasciste italien, le MSI (Mouvement Social Italien - Movimento Sociale Italiano), créé fin 1946. La flamme bénéficie d'un usage continu et évolutif à partir de la création du Front national. Décryptage du premier logo FN.
D'où vient la première flamme FN ?
C'est un tout petit parti politique qui émerge à l'automne 1972, pour tenter de s'assurer, entre autres, une place aux législatives au printemps suivant. Les premières années d'existence du FN affichent des résultats électoraux quasi-nuls, une scission avec Ordre nouveau (groupuscule d'extrême droite à l'origine du FN), des effectifs militants extrêmement réduits et des finances au plus bas... qui se traduisent, notamment, par des loyers impayés, le téléphone et l'électricité coupés au siège du Front national, rue de Surène.
Le FN doit se faire connaître, diffuser ses idées et se vendre comme un parti respectable. Aussi, Jean-Marie Le Pen conteste immédiatement l'étiquette extrême droite, qui assimilerait son parti aux mouvements néo nazis et/ou collaborationnistes. Il part en campagne en se réclamant de la « droite sociale, populaire et nationale ».
Quelques jours après la création de son parti, le président du FN déclare au journal de 20 heures que son mouvement a choisi la flamme tricolore « parce qu’elle nous paraît la plus jolie sur le marché graphique ». Sa conclusion ne prête à aucune confusion : il ignore totalement – et sciemment – les marqueurs idéologiques et les contacts de son parti avec le MSI.
Pourtant, la formation italienne représente - sur bien des aspects - une organisation phare pour le FN. Derrière cette similitude de logos se cache bien plus qu’une simple identité visuelle : le FN s’inspire politiquement du MSI et reçoit son soutien financier avec lequel il va pouvoir se lancer en politique.
Retour sur un mensonge fondateur
Le logo du FN n’est pas une création originale. Exceptées les couleurs, la première flamme du FN – une flamme bleu-blanc-rouge, plantée sur un socle rouge où le nom du parti se détache en lettres blanches – est calquée sur le graphisme de celle du MSI.
En septembre 1971, des hommes du FN sont reçus par les dirigeants du MSI. À l'automne 1972, Giorgio Almirante - un des fondateurs du MSI - rencontre Alain Robert. Le premier Secrétaire général du FN vient de participer, avec d'autres responsables français, à un séminaire international organisé par le parti italien pour, notamment, mener une « étude des méthodes et des techniques » du MSI. Les deux hommes du FN, l'ancien milicien François Brigneau et l'idéologue négationniste François Duprat - concluent alors un accord avec leurs homologues du MSI pour qu’ils soutiennent matériellement leur parti, qu'ils fournissent gratuitement des imprimés (affiches, journaux, papillons autocollants) pour les législatives de 1973 .
Transportés dans des voitures particulières de militants italiens, ces documents seront remis au-delà de la frontière à des responsables locaux d’Ordre nouveau, chargés de les acheminer vers Paris. Au total, l’aide matérielle du MSI pour les législatives doit porter, sur la fourniture, "à titre gratuit, de travaux d’impression" pour un montant global évalué à 1 300 000 francs (plus de 198 000 euros, nda), ainsi réparti :
-100 000 affiches dites « d’entretien » (1 000 par candidat) ; (novembre décembre 1972).
- 500 000 affiches dites « géantes » (5 000 par candidat) ; (janvier et février 1973).
- 500 000 journaux (5 000 par candidat) ; (début 1973).
- 1 000 000 (10 000 par candidats) de papillons autocollants.
Il semble que, pour l’essentiel, cette aide ait été fournie ».
Le FN disposera ainsi d'une réserve importante : des milliers d'affiches « flammes », imprimées par le MSI, restent entassées rue de Surène. Un stock d'affiches à plat d'environ 1 mètre 30 de hauteur qui approvisionne pendant plusieurs années les fédérations et, donc, les campagnes du Front national.
Un héritage embarrassant
L'appropriation de la flamme italienne par le FN ne repose pas seulement sur un double emprunt, idéologique et financier. Elle symbolise également l’affiliation à une mystique fasciste. Le sigle MSI signifie, pour les initiés, « Mussolini sempre immortal » (Mussolini toujours immortel). Le socle de la flamme italienne représente la tombe de Mussolini éternellement renaissant.
En octobre 2011, Marine Le Pen présente, en Italie, l'édition italienne de sa biographie À Contre-flots. Le dialogue qui s'instaure entre Assunta Almirante, la veuve de Giorgio Almirante, un homme de l'assistance et la toute nouvelle présidente du FN est révélateur :
Assunta Almirante : « Elle le sait qu'on lui a donné notre symbole.
L'homme : Vous avez conservé la flamme.
Marine Le Pen : Ah, on vous l'a empruntée, on a soufflé dessus.
Les derniers mots reviennent à Assunta Almirante : « J'aimerai dire un mot à mon amie que je connais depuis de nombreuses années. Je vous rappelle que le FN a vu le jour avec Jean-Marie Le Pen et Giorgio Almirante. Nous sommes très heureux qu'elle prenne la relève de son père ».
Ce sont des propos, dénués de toute ambiguïté, qui sont adressés à Marine Le Pen. La présidente du FN écoute la vieille femme. Elle sourit, visiblement gênée. Peut-être pense-t-elle, à ce moment précis, à un mot : dédiabolisation.