Il y a deux ans, ce blog revenait sur quatre des vainqueurs français de Roland-Garros. Histoire de varier les plaisirs cette année, retour en quelques anecdotes liées à la petite balle jaune.
L’ancêtre du tennis a eu la tête d’un roi
Charles VIII ne fait pas partie des rois de France les plus célèbres, à un détail près : sa fin (tragi)comique. L’anecdote de ce roi mort de s’être bugné contre un linteau de porte vous dit quelque chose ? Eh bien c’est lui, à Amboise, en 1498 – et le tennis y est pour quelque chose, ou plutôt son ancêtre, la paume. C’est en courant assister à une rencontre dans la cour du château que ce brave Charles, dit l’Affable, s’assomme à moitié contre une porte trop basse ou pour le dire comme son contemporain et chroniqueur Philippe de Commynes : « à l'entrée se hurta du front contre l'huis, combien qu'il fust bien petit ». Il se relèvera pourtant et suivra même les premiers échanges avant de s’effondrer brutalement dans les gradins. Il mourra quelques heures plus tard.
L’assassin de Wimbledon
En 1879, la finale de Wimbledon voit un certain Vere St. Leger-Goold (un Irlandais, comme son nom ne l’indique absolument pas) s’incliner face à John Hartley. Une belle performance qui reste comme l’apogée de la carrière d’un joueur plutôt moyen, mais qui fera tout de même une fois encore la une des journaux une petite trentaine d’années plus tard, dans le cadre d'une affaire qu’on croirait sortie d’un roman d'Agatha Christie. Avec sa femme Violette, l’ancien joueur alors presque ruiné rencontra en 1907 à Monte-Carlo le veuve particulièrement riche d'un armateur, Emma Levin. Le couple profita des largesses de cette danoise fortunée, mais ce n’était manifestement pas suffisant : après avoir tenté delui voler ses bijoux avec beaucoup de douceur, la résistance de leur victime conduisit le couple à faire un certain nombre de trous dans la chère femme. Alors que les deux complices s’apprêtaient à prendre le train à Nice, la police, prévenue entre temps de la disparition d’Emma Levin, s’intéressa aux deux énormes malles des voyageurs. À juste titre : les agents y retrouvèrent la malheureuse danoise, exagérément décédée. Ils la retrouvèrent même en plusieurs épisodes, si j’ose dire... Vere St. Leger sera condamné à perpétuité et incarcéré au bagne de l’île du Diable. Il y finira effectivement ses jours mais n’y a pas de sépulture, en vertu d’une joyeuse tradition qui veut qu’on y balançait les cadavres des condamnés aux requins.
Les chaussettes du Français
Restons à Wimbledon, mais en 1958. Le Français Alain Bresson, 18 ans, dispute son premier tournoi – légèrement tendu, le brave garçon. D’autres joueurs, légèrement farceurs sur les bords, lui expliquent que le protocole veut qu’on se présente à son premier match tiré à quatre épingles, sous peine d’être exclu à vie du tournoi. Et voilà le jeune sportif qui se présente devant l’arbitre en costume, beau comme un coeur avec sa belle cravate…
Son calvaire ne fait pourtant que commencer. Il pleut au moment où son match contre l’espagnol Santana commence ; l’herbe est glissante. À sa première balle, Bresson glisse en servant et s’étale façon crêpe. A son deuxième service, il monte au filet, ne peut freiner et finit de l’autre côté, à plat ventre au pied de son adversaire. Le public a beau être british, il commence à se gondoler, ce qui n’aide pas le jeune Français qui prend d’entrée un jeu blanc sur son service. Et c’est comme ça tout le premier set, qu’il perd 6-0… Complètement déstabilisé, rouge de honte, le malheureux décide alors de… poser ses chaussures et entame le second set en chaussettes. Dix minutes plus tard, elles restent collées au sol derrière lui après une nouvelle glissade… Dans le stade, le mot court qu’on se marre bien dans cette rencontre : le jeune homme, qui joue désormais devant des tribunes bourrées jusqu’à la gueule, prend une deuxième fois 6-0.
Il finit le match en larmes, sous les rires et les quolibets, après un dernier set perdu 6-1. Et quitte le cours sur un dernier exploit : en quittant le cours, il se prend les pieds dans son propre sac, trébuche, tente de retrouver l’équilibre et réussit une dernière cascade qui le laisse étendu les bras en croix, le visage dans l’herbe, ses raquettes éparpillées tout autour. Le public explose de joie… Bresson, traumatisé à jamais, quittera le stade plusieurs heures plus tard, par une petite porte.
Le chat noir d’Ilie Nastase
L’anecdote suivante s’est déroulée en 1982 à Roland-Garros, en quart de finale du double masculin. La rencontre oppose les roumain Ilie Nastase et Iliac à une paire italienne désignée comme favorite, Bertolucci-Panatta. Nastase, qui connaît bien ses deux adversaires, se souvient d’avoir été témoin quelques semaines plus tôt d’un événement plutôt insignifiant : au cours du tournoi de Monte-Carlo, il avait été frappé de voir les deux joueurs se signer après avoir croisé un chat noir. Farceur, Nastase se débrouille alors pour se procurer un matou équivalent juste avant la rencontre et pour le planquer dans son sac avant de… le laisser sortir sur le Central, en plein match. Bien évidemment, le chat se rua aussitôt vers les deux Italiens… Le public se marre, les Italiens nettement moins : ils se plaignent auprès de l’arbitre, insultent copieusement Nastase qui n’arrive plus à s’arrêter de rigoler… Et prennent dans la foulée une dérouillée d’anthologie, 6-0, 6-1. L’anecdote est évoquée ici par Patrice Dominguez.
Balle tragique à l’US Open
Septembre 1983, demi-finale de l’US Open version Juniors : le jeune Stefan Edberg, 17 ans, est en train de mettre une ratatouille à un certain Patrick McEnroe, le frère de John. Le Suédois sert dans le troisième set quand une de ses balles fonce vers un juge de touche, Dick Wertheim. Le malheureux arbitre tente d’éviter le missile mais est touché au côté. Déséquilibré, il tombe de sa chaise et son crâne heurte le sol de ciment. Tout le monde comprend que la situation est grave. Assis sur sa chaise, Edberg, en larmes, songera un instant à arrêter sa carrière avant de reprendre le match qu’il remportera finalement – comme le tournoi d’ailleurs. Évacué, Dick Wertheim mourra cinq jours plus tard à l’hôpital à 61 ans, victime d’une fracture du crâne.
Poignardée sur le court
C’est peut-être le drame le plus célèbre de l’histoire du tennis contemporain : en 1993, la joueuse yougoslave Monica Seles, qui sera naturalisée américaine en 1994, dispute un quart de finale au tournoi de Hambourg. N°1 mondiale incontestée depuis deux ans, la joueuse qui n’a pas 20 ans domine son match contre la Bulgare Magdalena Maleva quand un spectateur sort des gradins pour… lui planter une lame de couteau de douze centimètres dans le dos, à l’occasion d’un changement de côté. Il manque la colonne vertébrale de quelques centimètres…
Poignardée en pleine partie, la jeune femme titube quelques secondes avant de s’effondrer dans les bras des personnes qui l’entourent. Le soir, on apprendra que la jeune joueuse est hors de danger ; sa grande rivale Steffi Graff lui rendra visite mais la trouvera inconsolable. Dans les tribunes, son agresseur est arrêté par des spectateurs : Günther Parche, 38 ans, expliquera aux policiers qu’il avait ainsi voulu éliminer Seles pour permettre à son idole Steffi Graff de reprendre la place de n°1 mondiale. Ce qui sera d’ailleurs le cas quelque part, quand l’Allemande remportera Roland-Garros. Monica Seles, traumatisée, ne retrouvera le haut niveau que deux ans et demi plus tard – mais jamais le premier rang.