Définir l’intelligence a toujours été un défi pour les psychologues, pour la simple et bonne raison que l’intelligence n’est qu’un concept. Selon certains spécialistes, l’intelligence nous permettrait de faire des associations appropriées entre les évènements. Pour d’autres, l’intelligence permettrait de nous adapter aux situations nouvelles. Quant à Piaget, il disait avec dérision que l’intelligence n’est pas ce que l’on sait, mais ce que l’on fait quand on ne sait pas…
Malgré ce manque de consensus sur la définition de l’intelligence, les psychologues ont pourtant essayé de la mesurer, à travers l’évaluation de notre quotient intellectuel (QI). Alors ce fameux QI est-il un bon reflet de votre intelligence ? Un bref historique vous aidera à vous en faire une idée…
C’est en 1905 qu’est créé le premier test d’évaluation de l’intelligence. On le doit aux Français Binet et Simon, respectivement psychologue et médecin. À cette époque, l’école vient d’être rendu obligatoire, et le Ministère français de l’Instruction Publique se préoccupe de l’enseignement à donner aux enfants en difficulté. Il fait alors appel à Binet qui élabore avec Simon un test pour dépister les enfants en difficulté d’apprentissage. Pour cela, Binet et Simon ont tout d’abord mis en évidence les âges du développement typique de l’enfant (certains exercices réussis par des enfants « normaux » ne le sont pas par des enfants plus jeunes). Ils leur suffisaient ensuite de comparer les performances des enfants testés à celles des enfants typiques de même âge : si un enfant de 4 ans réussissait des exercices résolus majoritairement par des enfants de 6 ans, on disait alors que cet enfant avait un « âge mental » de 6 ans. Cette notion d’ « âge mental » fournissait ainsi un indice du « niveau intellectuel » de l’enfant. À l’inverse, un retard mental était caractérisé par un âge de développement inférieur à l’âge de référence de l’enfant.
À l’époque, le degré d’intelligence d’un élève était donc « arbitrairement » caractérisé par la différence entre son « âge mental » et son âge réel.
Le problème, c’est qu’un retard n’a pas la même signification selon l’âge réel de l’enfant. Ainsi, un retard de 2 ans est beaucoup plus problématique chez un enfant de 3 ans que chez un enfant de 12 ans. Pour résoudre ce problème, un psychologue allemand (Stern) a eu l’idée, en 1912, de diviser l’« âge mental » de l’enfant par son âge réel et de multiplier ce résultat par 100. C’est ainsi qu’est né le fameux quotient intellectuel ou QI. Dans mon exemple, l’enfant de 3 ans avec un retard de 2 ans obtient donc un QI de 33. Quant à l’enfant de 12 ans, avec le même nombre d’années de retard, il obtient un QI beaucoup plus élevé de 83.
Par la suite, la notion de QI a encore évolué. Le psychologue Wechsler a ainsi proposé d’abandonner la notion d’âge mental et de quotient, en mettant au point un test pour adultes. Wechsler utilise cette fois une démarche statistique qui permet de comparer les performances entre les personnes, quel que soit leur âge. Par exemple, si vous obtenez un QI de 100 (la note standard), cela signifie simplement que 50% des gens de votre groupe de référence ont eu un meilleur score que vous, et 50% un score moins bon :
Le QI est donc devenu un classement dans lequel se situe votre résultat, relativement au résultat des autres. Le QI moyen est fixé conventionnellement à 100. Le retard mental correspond à un QI de 70 ou moins, et le niveau intellectuel supérieur à un niveau de 120 ou plus.
On utilise donc aujourd’hui le terme QI de façon abusive, puisqu’il ne correspond plus du tout au quotient intellectuel de l’époque.
Un des inconvénients du QI est qu’il nous fait penser que l’intelligence se résume à un chiffre. Rappelons tout d’abord qu’il n’existe aucune définition concrète de l’intelligence et qu’ensuite, celle-ci à de nombreuses facettes. Cela veut dire qu’il faudrait plusieurs mesures pour l’évaluer (c’est ce que proposent d’ailleurs les tests récents en distinguant par exemple des indices de compréhension verbale, de mémoire ou de vitesse de traitement).
Mais ce qui est peut-être le plus gros défaut du QI, c’est qu’il nous fait croire que l’intelligence est une caractéristique en soi de la personne, alors que le QI varie aussi en fonction de son milieu socio-économique. Pour les plus critiques, le QI ne serait qu’un moyen de légitimer la perpétuation des classes sociales, de maintenir chacun dans son rang. De façon plus objective, les chercheurs ont en effet constaté que la performance aux tests d’intelligence était bien influencée par la classe sociale (des études ont montré des écarts d’une quinzaine de points entre le QI moyen des enfants d’ouvriers agricoles et celui des enfants de cadres supérieurs).
Le QI reflèterait donc moins l’intelligence que les comportements relatifs à une classe sociale.
Pour conclure, voici la définition ironique de l’intelligence proposée par Binet, l’inventeur des tests : « L’intelligence, c’est ce que mesure mon test ! ». À méditer.