Le suicide est bien souvent l'échappement ultime à des souffrances générées par un monde intérieur que nous nous construisons, un monde symbolique qui n'existe pas. Illustration :
"Je me suis créé un monde intérieur charpenté par mon langage et j'ai régulièrement la conviction que ce monde est la réalité. Cet univers, plus vrai que nature, est peuplé de figures merveilleuses, mais aussi d'éléments arbitraires répugnants, une rêverie dégueulasse évoquant des réactions anxiogènes aussi carabinées que si je faisais face à une peste bien établie. Je n'ai pas la maitrise de ces changements perceptifs - je ne réussis à modifier mes idées noires qu'à court terme, moyennant des prises de toxiques dont certains prescrits par mon médecin psychiatre.
Mes proches tentent de me rassurer. Ils me disent que tout va bien, que je n'ai aucune raison de cafarder car je ne manque de rien. Mais l'être humain a cette putain d'appétence à réagir à ses stimuli psychologiques plutôt que de se focaliser sur les données objectives de son environnement, même les plus enviables. Je prends donc pour argent comptant tout ce que me soufflent mes pensées à propos de mes évènements de vie. Mon cerveau tente en vain de déconstruire cette maçonnerie langagière, mais en persistant à résoudre mes états d'âme, je m'embourbe d'autant plus - mes capacités cognitives se prennent à leur propre piège.
Tous mes jugements à propos de moi-même sont filtrés, biaisés par mes expériences mentales. Je deviens mes pensées et mes émotions. C'est dans les moments où mon moi est le plus dissocié que j'envisage studieusement de me foutre en l'air. Mes psys ont échoué à me libérer de mon ego. Je n'ai plus la force de lutter - je réalise que le combat contre les dangers abstraits logés dans mon crâne est perdu d'avance car je ne pourrai jamais échapper à cette caractéristique essentielle de la condition humaine.
Le suicide est une façon pour moi de reprendre le contrôle de mes expériences psychologiques. Avoir cette liberté de pouvoir mettre fin à mes jours est une idée qui me rend profondément heureux".
Références à propos du suicide :
https://www.who.int/mediacentre/news/releases/2014/suicide-prevention-report/fr/
Hayes, S.C., Pistorello, J. & Biglan, A. (2008). Acceptance and Commitment Therapy: model, data, and extension to the prevention of suicide. Brazilian Journal of Behavioral and Cognitive Therapy, 10(1), 81-102.
Le monde réel n’existe pas. Il n'est qu'une illusion perceptive. Et chaque individu vit dans son propre microcosme. Voilà pourquoi il peut être si difficile de vivre ensemble - c'est uniquement lorsque les individus vivent dans la même matrice que des connivences interindividuelles peuvent s'établir.