Cet article est dédié à la mémoire de Sarah Schmitz.
Regardez ce bébé hilare de voir l’adulte déchirer du papier sous son nez :
On ne sait pas grand chose à propos du développement du rire dans la 1ère année de vie du bébé, car il existe peu de travaux de recherche sur le sujet. Néanmoins, la question à laquelle va tenter de répondre ce post est la suivante : qu’est-ce qui fait qu’un nourrisson va percevoir tel ou tel événement comme étant amusant ?
Les étapes de développement du rire chez le bébé
- Dès les premières semaines après sa naissance, votre bébé vous sourit : l’humour débuterait en effet par la mise en place d’un sourire dit « social » (à partir de la 5ème semaine).
- A partir d’environ 3 mois de vie, votre bébé peut se mettre à rigoler en réaction à une stimulation (comme le bébé de la vidéo ci-dessus), et le nombre de stimulations qui vont provoquer ces rires va croitre progressivement. En général, ces premiers éclats de rire apparaissent vers 3 mois en réponse à une stimulation physique.
- Les rires consécutifs à des jeux sociaux sont quant à eux visibles aux alentours de 5 mois.
- Ensuite le nourrisson peut rire en réponse à des stimulations visuelles (7 mois).
- Enfin, vers ses 10 mois, bébé commence à acquérir la compétence de créer intentionnellement « l’humour ». A cet âge, votre enfant tente en effet de faire rire son entourage par des comportements et mimiques loufoques, ou bien en émettant des sons absurdes, ou encore par des taquineries, voire en s’engageant dans des comportements interdits.
L’enfant se marre donc bien avant de dire ses premiers mots. Mais comment a-t-il pu apprendre à juger que tel ou tel évènement est drôle ?
Les modèles explicatifs : pourquoi bébé rigole ?
L’humour impliquerait à la fois des composantes neurologiques, comportementales et socio-émotionnelles assez complexes et il existe de nombreuses théories qui tentent d’expliquer pourquoi les bébés rigolent. Néanmoins, cette compétence précoce serait fondamentalement interpersonnelle, dans la mesure où elle constituerait une part importante des expériences d’interaction du bébé.
Tout d’abord, l’imitation
Dés la naissance, le bébé peut imiter les humains de son entourage, notamment certains mouvements de la tête, des mains, de la langue et de la bouche. Les premiers sourires du bébé résulteraient donc au départ d’une simple contagion des sourires de l’adulte. Une fois en place, le sourire de l’enfant a tendance à persister et à se maintenir du fait de ses bénéfices : le sourire du bébé permet en effet d’obtenir en retour l’attention de l’adulte.
Percevoir un évènement comme étant amusant
Le fait que les nourrissons imitent le sourire de l’adulte ne nous dit pas pourquoi ils vont percevoir un évènement comme étant amusant au lieu d’en avoir peur par exemple ou tout simplement de ne pas si intéresser. La réponse à cette question est pourtant assez simple : c’est en y associant des indices émotionnels par le biais des expressions de son visage ou des modulations de sa voix que l’adulte va en quelque sorte passer des messages à l’enfant quant aux émotions que l’évènement en question peut évoquer. Les jeunes enfants ne détectent donc pas le caractère drôle d’un évènement de façon indépendante, mais plutôt en utilisant l’affect du parent pour apprendre à s’ajuster face à cet évènement ambiguë et à y répondre.
Bébé clown
En parallèle, les bébés vont émettre des comportements qui vont susciter l’amusement de l’adulte. Au départ, ces comportements seront surtout émis de façon non intentionnelle, par hasard. Et c’est l’attention positive portée par l’adulte à ces comportements hasardeux de l’enfant qui aura tendance à encourager à l’avenir la répétition de ces comportements et ainsi à développer chez le bébé ses compétences d’amuseur de galerie.
Pour conclure…
De nombreuses questions restent actuellement sans réponse concernant la perception de l’humour chez les bébés. Néanmoins, la contagion émotionnelle semble faire partie du processus principal par lequel les nourrissons viennent à interpréter des événements comme étant amusants. Il n’existerait donc pas d’évènements drôles en soi, « par essence ». Au contraire, le caractère amusant d’une stimulation serait appris par l’intermédiaire des messages affectifs envoyés par le parent (au départ, l’enfant va donc trouver drôle ce que le parent lui-même trouve drôle). Le rire serait donc un moyen d’expression émotionnelle qui aurait une signification en terme d’évolution de communication.
Principales références :
Houdé, O. (2015). La psychologie de l’enfant. Presses Universitaires de France.
Mireault, G., Sparrow, J., Poutre, M., Perdue, B. et Macke, L. (2012). Infant Humor Perception from 3- to 6-months and Attachment at One Year. Infant Behav Dev., 35(4): 797-802.
Mireault, G. C., Crockenberg, S. C., Sparrow, J. E., Cousineau, K., Pettinato, C. et Woodard, K. (2015). Laughing matters: Infant humor in the context of parental affect. Journal of Experimental Child Psychology, 136: 30-41.