Pourquoi est-il si difficile de perdre du poids ?

Gino Carteciano

« Le régime brésilien - perdez jusqu'à 10 kg en un mois ! » (www.santeplusmag.com)

« Le secret pour perdre 4 Kilos en 4 jours »

« 15 Régimes Rapides Pour Maigrir Très Vite »

« Un régime rapide 4 kg en 4 jours » (www.regimenatman.fr)

C’est avec ce type d’accroche que l’on vous motive à entamer un régime amaigrissant. Quasiment tous ces régimes « miracles » ont pour point commun d’être des régimes privatifs. Si on les suit à la lettre, ils permettent en effet une perte de poids rapide. Mais ces régimes comportent au moins deux inconvénients majeurs :

1. Ils sont dangereux pour votre santé (cf. rapport ANSES) : ils ont un impact négatif au niveau métabolique, hormonal et psychologique (les troubles du comportement alimentaires apparaissent d’ailleurs souvent à la suite d’un premier régime). Bref, en terme de rapport bénéfice / risque, les régimes amaigrissants sont largement en faveur du risque.

2. Le risque de reprise de poids est très important, au point que vous êtes au moins 90% à reprendre les kilos que vous aviez perdus.

Pourquoi reprenez-vous systématiquement du poids après un régime amaigrissant ?

C’est principalement pour des raisons physiologiques. Michel Desmurget, directeur de recherche en neurosciences cognitives au CNRS de Lyon l’explique très bien :

« Notre corps est génétiquement programmé pour lutter contre les carences alimentaires et préserver ses réserves de graisses. (…). Après quelques semaines de régime, lorsqu’il détecte un manque (vitamines, acides gras essentiels, minéraux, etc.) et/ou un amaigrissement soudain, le corps réagit avec une impitoyable détermination. Pour lui régime et famine, c’est la même chose. Il met alors tout en place, au niveau hormonal, cérébral et périphérique, pour comprimer les dépenses énergétiques, exacerber la faim et offrir une saillance quasi pathologique au moindre stimulus alimentaire. Aucune volonté ne peut résister à cette déferlante (…). Ces mécanismes de défense perdurent tant que les kilos initialement effacés n'ont pas été repris ».

Pouvez-vous perdre du poids sans reprendre les kilos perdus ?

Toujours selon Michel Desmurget, la réponse est oui :

« Le succès est possible. Il réside dans le caractère imparfait du système de contrôle pondéral. En effet, de par la relative grossièreté de ses capteurs, l'organisme se révèle totalement aveugle aux faibles variations de la balance énergétique et aux taxations lentes des réserves lipidiques. Dès lors, si vous restez caché dans la zone d'incertitude physiologique (qui représente grossièrement 20 % du bilan énergétique quotidien en plus ou en moins), vous perdrez du poids durablement sans déclencher l'ire vengeresse des défenses organiques, ni accroître les sensations de faim. (…). Le problème, cependant, c'est que les déficits rétreints induisent des amaigrissements plutôt lents. En effaçant, par exemple, 300 calories de votre compte quotidien, vous afficherez une perte pondérale moyenne de 10 kg la première année, 15 kg la seconde, 17 kg la troisième et 18 kg au final, après 5 ans ».

Pour résumer, il y aurait donc 2 façons de perdre du poids :

  • La manière rapide, dont l’effet recherché (la perte de poids) est mesurable en quelques jours. Mais ces résultats ne sont que provisoire et cette pratique est néfaste pour votre santé.
  • La manière lente, dont l’effet recherché (la perte de poids) n’est mesurable qu’à long terme.

Mais pourquoi persistez-vous à choisir la manière rapide, alors que vous savez pertinemment qu’elle est vouée à l’échec ? Une explication : le principe de « contiguïté temporelle »…

Le principe de « contiguïté temporelle », ou la faiblesse de l’être humain

En sciences de l’éducation, il existe un principe d’apprentissage qui stipule que vos comportements sont sélectionnés par leurs conséquences. Pour résumer, l’être humain apprend des conséquences de ses comportements : les comportements suivis de conséquences jugées désagréables vont avoir tendance à s’éteindre, contrairement aux comportements suivis de conséquences jugées favorables qui auront tendance à se maintenir.

Cette relation entre nos comportements et leurs conséquences dépend également de la durée entre le comportement et sa conséquence : plus la conséquence arrive rapidement après le comportement, plus ses effets sur le comportement seront importants. C’est ce que l’on appel le principe de contiguïté temporelle. Et c’est d’ailleurs l’un des plus gros problèmes de l’être humain : « Nous faisons régulièrement cette expérience de notre extrême difficulté à résister aux comportements dont les issues nous sont manifestement peu favorables, en comparaison avec d’autres comportements, au bénéfice plus élevé, mais malheureusement trop éloigné » (Descamps et Darcheville, 2009, p. 22)1.

Nos comportements sont donc plus facilement influencés par une moindre conséquence disponible immédiatement (une perte de poids rapide), que par une conséquence plus importante disponible plus tard (une perte de poids pérenne et sans danger pour votre santé).

Pour aller plus loin…

Les choses se compliquent lorsque l’on tient compte de certains mécanismes en jeu dans l’obésité : nous avons tous un poids d’équilibre globalement déterminé par la quantité de masse grasse que le corps est capable de réguler. Si l’on mange plus qu’à sa faim, le surplus est stocké dans les cellules graisseuses qui s’hypertrophient. Ce phénomène est réversible jusqu’à un certain point. En effet, si l’on continue à manger plus qu’à sa faim, ce stockage ne suffit plus, et l’organisme se met à fabriquer de nouvelles cellules graisseuses. Ce phénomène est quant à lui irréversible : le poids d’équilibre est modifié et il deviendra beaucoup plus difficile de revenir au poids précédent en raison de cette augmentation de la quantité de cellules graisseuses…

Pour en savoir plus sur le sujet, je vous invite à consulter le site du GROS (Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids).

1. Descamps, C. et Darcheville, J. C. (2009). Introduction aux neurosciences comportementales. Paris : Dunod.