« Le clan des psys ». Episode 03 : les lubriques

Magnolia (P. T. Anderson, 2000)

« Le clan des psys » est une saga déclinée en épisodes inspirés de faits réels relatés par des patients.

        Depuis trente ans que je côtoie des psys, seuls quelques-uns ont su faire preuve d'humilité et de raison. Psychiatres, psychologues, psychanalystes, psychothérapeutes, ils sont tous idéalisés, voire idolâtrés. Pourtant, j’ai le désagréable sentiment qu’ils ne peuvent rien faire pour moi.

        Je ne sais jamais si je dois leur parler de mes rêves, de mon obsession pour la mort ou de mes éjaculations précoces. Quelle est la position adéquate pour une bonne thérapie ? Vaut-il mieux être allongé ? Ou bien en face à face ? Ma mère est-elle responsable de mes troubles, ou est-ce que je suis plutôt le résultat d’une loterie génétique hasardeuse qui doit se débrouiller comme il peut dans son environnement ?

Episode 03 : les lubriques

Fin des années 90, je consulte un psychothérapeute aux pratiques bien étranges : il me prescrit des partouzes fines avec ses autres patients. Je n’y voit aucun inconvénient, j’adore le sexe.

A peu de chose près, ses tarifs sont équivalents aux honoraires d’une prostituée honorable. Et ces coïts encadrés auraient en plus l’avantage de traiter ma dépression. Une aubaine.

Ce psychothérapeute a réellement existé, voici son histoire…

L’histoire de Jacques M.

Jacques M. est employé comme agent de propreté à la municipalité d’Annecy. Au milieu des années 90, alors qu’il est âgé de 50 ans, Jacques M. décide de changer d’activité professionnelle : il sera psychothérapeute.

Sans formation spécifique ni diplôme en poche (il a arrêté sa scolarité au collège), Jacques franchit donc le pas, il pose sa plaque et ouvre officiellement son cabinet de psychothérapie en 1996. Il en profite même pour rajouter une corde à son arc en s’autoproclamant aussi psychanalyste. A cette époque, Jacques M. profite d'un vide juridique sur l’usage des titres de psychothérapeute et de psychanalyste. L’ouverture de son cabinet n’a alors rien d'illégal.

L’affaire marche bien. Le cabinet ne désemplit pas et Jacques se fait beaucoup d'argent. Une de ses astuces est de dire à ses patients qu’une thérapie n’est efficace que si chaque membre de la famille vient consulter. Son succès est tel qu’il monte même une structure de formation en psychothérapie. Jacques M. est un ambitieux.

Malheureusement, cette superbe ascension commerciale s’arrête net en 2009 lorsque les associations d’aide aux victimes découvrent l’envers du décor : entre 2007 et 2010, Jacques M. aurait en effet "prescrit" à une centaine de ses patients des rapports sexuels adultères non protégés et des pratiques sadomasochistes. Il aurait même mis ses patients en contact pour réaliser ces orgies, auxquelles il aurait lui-même parfois participé (selon Le Parisien, une des victimes aurait eu comme prescription de coucher avec 10 hommes par jour). Selon l'ADFI (Association de Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes), l’homme aurait également "induit de faux souvenir d'inceste chez ses victimes, provoquant des dommages collatéraux dans les familles (...) (cité par 20 minutes) ».

Le 21 octobre dernier débutait en Savoie le procès opposant Jacques M. à une vingtaine de ses anciens patients. Ces derniers ont décidé de se porter partie civile pour abus de faiblesse (en tout, il y aurait eu près de 90 victimes). Après 3 jours de procès, Jacques M. a finalement été condamné à 4 ans de prison ferme par le tribunal d'Albertville pour abus de faiblesse.

La législation actuelle

Depuis le 20 mai 2010, un décret prévoit que les professionnels voulant utiliser le titre de psychothérapeute doivent s’inscrire obligatoirement sur un registre national. Cette inscription n’est possible que pour les médecins ou les universitaires en psychologie de niveau Master. Les psychanalystes peuvent également utiliser le titre de psychothérapeute, mais ils doivent justifier d'une formation supplémentaire (200 heures de formation exigée en psychopathologie clinique ainsi que 2 mois de stage).

Les professionnels qui, comme Jacques M., ont débuté leur pratique à l’époque où l’utilisation du titre de psychothérapeute n’était pas règlementée, peuvent néanmoins obtenir une dérogation. Mais ils doivent justifier d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie, même s’ils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplôme prévues désormais. Cette dérogation ne peut être accordée qu’après un avis favorable émis par les Agences Régionales de Santé.

Si l’histoire de Jacques M. devait se reproduire aujourd’hui, la peine encourue serait donc certainement plus lourde.