A contre-courant de la Saint-Valentin, on a pu voir dans la presse ou sur le web, des articles de promotion pour différents "plans anti Saint-Valentin", évènements proposés afin que tous les célibataires ou les détracteurs de la fête des amoureux puissent, eux-aussi, trouver leur place sociale ces fameuses journées du 14 février.
A l'image de cette mode alternative, voici donc ce qui pourrait être l'"antimanuel de la Saint-Valentin", soit une vision peu académique de l'amour :
L'amour est comme « la dépendance du système nerveux à l'égard de l'action gratifiante réalisée grâce à la présence d'un autre être dans notre espace (…), et le mal d’amour résulte du fait que cet être peut refuser d’être notre objet gratifiant ou devenir celui d’un autre, se soustrayant ainsi plus ou moins complètement à notre action. (…). Ce refus ou ce partage (…) blesse notre narcissisme et initie soit la dépression, soit l’agressivité, soit le dénigrement de l’être aimé » (Henri Laborit).
Une telle définition tend à donner une vision peu romantique de l'amour. D'un point de vue neuropsychologique, le sentiment amoureux est en effet un sujet d'étude très "terre à terre". Explications :
« qu’est-ce qui fait que les gens croient être amoureux ? ». Pour tenter de répondre à cette questions, certains auteurs se sont penchés sur les mécanismes biochimiques des émotions. Ainsi, si l’on considère l'ensemble les émotions d’un point de vue physiologique, il est très difficile de les distinguer. La peur, la colère ou l’amour par exemple sont tous caractérisés par une accélération du rythme cardiaque, une sécrétion d'hormones, des contractures musculaires, etc. Bref, des émotions différentes s’accompagnent de réactions physiologiques identiques (on dit d’ailleurs de ces réactions qu’elles sont non spécifiques).
Pourtant, nous faisons l’expérience d’émotions très différentes les unes des autres. En réalité, pour percevoir une certaine émotion, il ne suffit pas seulement d’une activation physiologique, il faut aussi interpréter cette sensation, lui donner une étiquette. Le fait d’appeler une émotion de la joie, de la peur ou de l’amour est donc fonction du contexte social et culturel de la situation dans laquelle on ressent l’activation physiologique.
Ainsi, l'amour n'est rien d'autre que l'idée que l'on se fait d'une sensation interne à notre organisme. Par conséquent, si les circonstances sont appropriées, n’importe quel type d’activation physiologique peut être interprété comme de l’amour. Être amoureux ne relève donc pas d'une sensation "à part", "unique".
Les comportements amoureux sont égoïstes
Pour Henri Laborit, "la fonction du système nerveux consiste essentiellement dans la possibilité qu'il donne à un organisme d'agir (…) de telle façon que la structure de cet organisme soit conservée." Il s'agit donc d'une "recherche de l'équilibre organique, (…) ou du bien-être, du plaisir". De même, nos expériences relationnelles ou amoureuses peuvent être "enregistrées comme agréables ou désagréables, les expériences agréables étant celles qui permettent le maintien de la structure de l'organisme, les expériences désagréables celles dangereuses pour lui. Les premières auront tendance à être répétées (...), les autres à être évitées."
De même, « Toutes nos actions se réalisent dans un milieu dans lequel évoluent des objets et d'autres êtres. Certains de ces êtres favorisent des apprentissages qui nous sont gratifiants, et nous aurons alors tendance à les "garder à notre disposition" pour assurer l'équilibre de notre structure. Nous aurons donc tendance à nous les approprier et à nous opposer "à l'appropriation des mêmes objets et êtres gratifiants par d'autres." (la jalousie est une émotion qui évoque ces comportements d’opposition).
Nos comportements amoureux n'auraient donc pour unique fonction que d'éliminer toute menace perçue comme une forme de restriction. Et le sentiment amoureux ne serait rien d'autre qu'un ensemble de réactions physiologiques que nos comportements tendraient à maintenir.
C'est là un point de vue très égoïste du fonctionnement des relations amoureuses, et assez éloigné de l'image romantique que la Saint-Valentin tente de lui donner.
Laborit, H. (1976). Éloge de la fuite. Paris : Gallimard.