Même si les limites de la rubrique « faits divers » ne sont pas toujours clairement établies, il est bien connu que leur publication génère de l’audience. Mais pourquoi les faits divers ont-ils autant de succès auprès du public ?
« Thierry est un ingénieur de 48 ans vivant en Dordogne avec son épouse et leurs 3 enfants. Ce père de famille, a priori irréprochable, est également un grand amateur de Perroquets et fondateur du "Passion Perroquet Club" de sa région. Il possède une magnifique collection de Psittacidés qui fait le bonheur de ses filles. Lundi matin, cette vie apparemment ordinaire a viré au drame lorsque Louise, la fille cadette, a surpris son père en train de violer une de ses bêtes. L’appareil génital d’un Perroquet rejoint ses organes digestifs et urinaires en un seul orifice appelé cloaque, ce dernier pouvant s’élargir suffisamment afin d’y accueillir une verge humaine de taille raisonnable. Comme beaucoup d’autres pays, la France a pénalisé les pratiques zoophiles. L’homme est actuellement en garde à vue ».
Une lecture peu « coûteuse »
Le fait divers est une information courte qui se lit très vite. Il est aussi construit en structure « fermée » : il contient toute l’information nécessaire à sa compréhension, tous les éléments dramatiques d’une bonne histoire sont déjà là. Le fait divers se suffit donc à lui-même : pas besoin d’en saisir tout le contexte social ou historique pour le rendre compréhensible. En définitive, sa lecture est peu « coûteuse » et donc accessible à un maximum de lecteurs.
Pour tous les goûts
L’information contenue dans les faits divers appartient à tous les genres : policier, humour, sexe, action, horreur, super héros, etc. Il y en a pour tous les goûts. Cette diversité rend le fait divers difficilement ennuyeux. Tout le contraire d’une information qui se renouvelle peu et dont l’intérêt diminue donc progressivement avec le temps. Ce phénomène dit « d’habituation » augmente d’ailleurs avec l’âge : contrairement aux enfants qui sont capables de jouer pendant des jours et des jours avec le même jeu, l’adulte montre une plus grande variabilité de ses centres d’intérêts. La richesse des faits divers nous rend donc insatiables.
Un moyen d’adaptation
Souvent transgressif, parfois trash ou burlesque, mais toujours étonnant, le fait divers a cette caractéristique de sortir de l’ordinaire, de s’écarter de la banalité. Or l’être humain est sensible aux changements de son environnement qui ont la particularité de déclencher chez lui des modifications physiologiques. Ces modifications ont une fonction bien particulière : elles nous permettent de mieux réagir aux exigences nouvelles de notre environnement qui pourraient menacer notre bien-être. Cet état d’alerte facilite donc notre adaptation aux changements. C’est une compétence inscrite dans nos gènes depuis le début de l’humanité : dès la préhistoire, elle favorisait la survie de l’homme en le préparant à la fuite ou au combat. C’est pour cela que nous sommes par exemple plus attentifs sur la route lorsque nous conduisons un véhicule sur un parcours que l'on ne connaît pas.
Ainsi, après lecture d’un fait divers relatant le décès d’un homme poussé sur les rails du métro par un « déséquilibré », nous aurons tendance à nous éloigner plus volontiers de la bordure du quai. Par son aspect « pas banal », le fait divers prend donc la valeur d’un avertissement optimisant notre survie. La lecture du fait divers est alors recherchée pour son analyse bénéfique de notre environnement : une mise en alerte pour mieux l’appréhender et nous en protéger.
Un moyen d’obtenir de l’attention sociale
Enfin, la gratification que l’on peut éprouver à la lecture d’un fait divers vient du fait qu’elle permet également d’en retirer un avantage social. L’intérêt que je porte pour telle histoire aura en effet de bonnes chances d’être partagé par mon entourage. Le fait divers devient donc un outil puissant permettant d’obtenir de l’attention sociale.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, les faits divers sont un divertissement dont il est difficile de se passer. Ils leur arrivent même d’évoluer en phénomènes de société, inspirant régulièrement le cinéma ou la littérature (Madame Bovary de Gustave Flaubert, Le Chancellor de Jules Verne, L’amante anglaise de Marguerite Duras, Sang-froid de Truman Capote, Sévère de Régis Jauffrey, etc).