Certains articles de presse tentent régulièrement d’évaluer les conséquences de l’utilisation des réseaux sociaux sur notre santé mentale. Dans un post publié ce mois-ci dans Slate, on apprend par exemple que reluquer les photos de vacances de vos potes sur facebook ou Instagram serait « déprimant ». Selon les auteurs de ce post, une photo déclencherait chez celui qui la regarde une comparaison sociale, pouvant entraîner un sentiment d’infériorité. Pour compenser, nous serions alors conduit à publier des photos de nous encore plus belles, provoquant ainsi une « spirale de l’envie ». De plus, les réseaux sociaux finiraient par déformer notre perception de la vie des autres puisqu’à force d’être filtrées et retouchées, ces photos s’éloigneraient de plus en plus de la réalité.
Tentons d’y voir plus clair dans ces critiques et dans le rôle joué par les réseaux sociaux sur notre santé mentale.
L’être humain a besoin d’entrer en relation avec ses pairs. Ce besoin d’autrui est le fruit d’un apprentissage : dès la naissance, notre survie est assurée par des besoins primaires (la nourriture notamment), mais rapidement, le nourrisson apprend que pour obtenir ces ressources vitales, il doit faire appel à autrui dont il est encore dépendant (en général, il s’agit du parent). Ces premières demandes sont formulées par des cris et des pleurs, puis elles sont petit à petit façonnées jusqu’à ressembler à une langue dont la forme dépendra finalement de notre culture. Si les rapports sociaux prennent autant d’importance dans la vie de l’être humain c’est donc qu’ils sont associés très vite à des exigences génétiques ayant valeur de survie.
Lorsque l’on poste une photo de nos vacances sur notre page facebook ou via Instagram, la principale fonction de cette publication est donc de répondre à ce besoin social conditionné et de voir les autres émettre des comportements signalant qu’ils ont bien reçu notre demande d’attention (like, commentaires, etc.). Selon les individus, ce besoin d’attention varie, mais l’objectif sera toujours de communiquer un message qui devra faire réagir suffisamment autrui pour satisfaire notre besoin. Et si autrui ne se manifeste pas à la hauteur de nos besoins, des réactions de frustration et d’envie peuvent alors apparaître. Nous n’avons pas attendu facebook pour commencer à jalouser une information de nature sociale (comme les photos de vacances de l’autre), mais c’est simplement la forme de cette information qui a changé. Avant on pouvait dire à ses potes : « je reviens de Thaïlande, c’était trop bien, j’ai fait ceci et cela, etc ». Aujourd’hui, on se contente de poster ses photos de Thaïlande. Cependant, dans la mesure où les outils comme facebook permettent de toucher beaucoup plus de pairs en un temps record, la compétition s’est accentuée. Nos comportements sociaux ont augmenté en intensité pouvant créer encore plus de frustration.
Ces articles reprochent également aux réseaux sociaux de déformer notre perception de la réalité par retouche et sélection de photos. Mais là encore, bien avant facebook, le langage oral amplifiait de la même manière nos expériences (nous avons tendance à exagérer l’information toujours dans le but d’obtenir une réaction chez nos pairs). En soit, le langage modifie donc la perception.
Les informations des autres ont donc toujours eu ce pouvoir de nous déprimer. Mais il ne suffit pas de regarder une belle photo de vacances d’un pote facebook pour que l’on se mette à se sentir mal. Encore faut-il que cette information fasse partie de nos centres d’intérêt et qu’en quelque sorte, elle rentre en compétition avec nos désirs. Si j’ai horreur des vacances, la vision de telles photos n’aura aucun impact sur moi.