Lorsque l’on saisit un objet, ou que l’on observe un individu saisir cet objet, ce sont les mêmes régions cérébrales qui s’activent dans notre cerveau. On appelle les cellules nerveuses qui constituent ces zones cérébrales les neurones miroirs.
Cette découverte relativement récente (1996) par le neurophysiologiste Giacomo Rizzolatti suggère que l’être humain n'analyse pas l'action d'autrui uniquement avec son cortex visuel, mais aussi avec son cortex moteur, ce qui lui permet une meilleure compréhension de l’action. Chaque fois que nous voyons une autre personne agir, surtout si elle nous paraît semblable à nous, ces neurones miroirs s’activent donc dans notre cerveau de la même façon qu'ils le font dans le sien. C’est pour cela que nous pouvons avoir tendance à bailler lorsque l’on voit une personne qui baille, ou à faire la grimace lorsque l’on voit quelqu’un se faire mal par exemple.
En neurosciences, les neurones miroirs seraient donc une piste pour nous aider à mieux comprendre les mécanismes de l’empathie puisqu’ils permettraient de ressentir les émotions d’autrui rien qu’en l’observant. Et plus la personne observée présente de points communs avec nous, plus l’activation neuronale est importante et plus nous éprouvons de l’empathie pour cette personne.
Voilà donc peut-être pourquoi je déteste J. R. Ewing, le méchant de Dallas. Parce que quand il fait du mal à son gentil frère Bobby, c’est un peu comme s’il me faisait du mal à moi.
Récemment, cette aversion pour un personnage de fiction est allée beaucoup plus loin. Dans la série américaine Breaking Bad, c’est la comédienne Anna Gunn qui a été prise à partie par un groupe de téléspectateurs. Tout commence sur les réseaux sociaux avec la création d’un groupe nommé « I hate Skyler White » (Je déteste Skyler White) et suivi par des milliers de personnes. Skyler White, le personnage interprété par l’actrice est en effet quelque peu irritant : glaciale avec son mari Walter White, le héros de la série, elle lui montre peu de soutien et lui met constamment des bâtons dans les roues (mais entre nous, Walter White peut aussi parfois être une belle crapule). Mais rapidement, les « anti-Skyler White » s’en sont pris à la comédienne elle-même et plus seulement à son personnage, les attaques personnelles les plus virulentes allant jusqu’à des menaces de mort.
Pour expliquer autant d’antipathie, la comédienne Anna Gunn fait l’hypothèse que, au-delà de sa méchanceté, son personnage féminin représenterait l’anti-modèle de la bonne épouse américaine : forte, indépendante, non soumise et gestionnaire, en un mot, l’égale de son mari. C’est cette caractéristique de son personnage qui attirerait les foudres des pires sexistes US, tellement enragés qu’ils ne feraient plus la différence entre fiction et réalité. Pour ces fous furieux, on peut imaginer qu’une femme qui empiète sur le territoire du soi-disant mâle dominant devienne l’ennemi numéro un. À côté, J. R. Ewing passe pour un nounours.