Les punitions à l'école : quelle efficacité et quelles conséquences ?

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Le 22 mars dernier, un enseignant exerçant dans le département de la Manche a sanctionné une de ses élèves âgée de 10 ans en lui collant une étiquette sur le front. Les parents de l'enfant ont porté plainte et l'enseignant a été suspendu par l'Education nationale dans l'attente du jugement le 2 juillet (https://francetvinfo.fr/punitions-a-l-ecole-jusqu-ou-peut-on-aller_340192.html).

Ce fait divers relance le débat sur l'utilisation des procédures de punition à l'école. Voici quelques éléments de définition pour mieux comprendre leurs enjeux :

Dans son usage populaire, la punition est définie comme une sanction imposée à un comportement jugé inadapté. Cependant, pour les spécialistes du comportement, cette définition requiert une exigence complémentaire : la fréquence d'apparition de ce comportement doit diminuer. Prenons l'exemple d'un élève très bavard. Pour faire taire cet élève, l'enseignant peut décider de lui faire copier 100 fois "je ne dois pas parler en classe". Si après la sanction, l'enseignant observe que l'élève bavarde moins qu'avant, la copie des lignes aura donc bien valeur de punition. Si par contre l'élève continue à bavarder toujours autant, cette sanction n'aura aucunement valeur de punition. Techniquement parlant, cette définition de la punition est donc essentiellement empirique : elle est définie par ses effets sur le comportement et a ainsi un caractère individuel. Une telle définition est importante puisqu'elle ne nous permet pas de juger à priori du caractère punitif d'une sanction. Or le terme de "punition" est aujourd'hui entendu comme une sanction dont l'efficacité serait universelle et établit a priori (la colle utilisée dans les établissements scolaire est considérée par le plus grand nombre comme une punition, pourtant elle ne permet pas de diminuer les comportements inadaptés chez tous les élèves).

Il ne s'agit pas ici de donner un jugement de valeur moral de la punition ni de jeter l'opprobre sur les enseignants qui l'utilisent, mais plutôt de tenter d'en établir ses critères d'efficacité et de décrire ses conséquences émotionnelles sur les individus.

Concernant l'efficacité de la punition, nous avons donc vu plus haut qu'elle était constatée à postériori par ses effets sur le comportement. Son efficacité est donc limitée à une partie seulement des élèves. Une autre limite importante de la punition est que, même si elle permet à un élève d'apprendre à ne pas agir de façon inadaptée, il est beaucoup moins évident qu'elle lui fera adopter les bons comportements. Ainsi, si un élève cesse de bavarder après avoir été puni, il n'est pas évident qu'il se mette à écouter l'enseignant, à participer, prendre des notes, bref à avoir des comportements scolaires adéquats de façon spontanée. Ne plus bavarder en classe ne l'empêchera pas de rêvasser ou de faire des dessins sur ses cahiers. Il est donc souvent beaucoup plus efficace et nécessaire de coupler une punition avec un apprentissage et un encouragement des bons comportements.

Une des principales raison de l'efficacité d'une punition est qu'elle entraine chez l'élève des sensations physiologiques désagréables, sensations que l'élève cherchera à éviter par la suite en n'adoptant plus le mauvais comportement. Ces conséquences émotionnelles désagréables doivent être prises en compte lorsqu'une punition est appliquée car elles peuvent avoir des conséquences bien différentes de celles attendues par l'enseignant : rejet de l'enseignant ou de la matière enseignée, agressivité, etc. Ces conséquences pouvant avoir à leur tour des répercussions sur la réussite scolaire de l'élève.

Ainsi, penser que la punition est efficace a priori est une des raisons des échecs de certaines procédures utilisées par les enseignants. De plus, la punition utilisée seule ne permet pas systématiquement aux élèves d'agir de la "bonne manière". Un apprentissage complémentaire est en effet souvent nécessaire. Une punition a également des conséquences émotionnelles sur l'élève, conséquences que l'enseignant ne pourra pas toujours maitriser.
La punition à l'école ou dans toute autre institution est donc une procédure dont les enjeux doivent être réfléchis pour que son utilisation soit optimisée.