Allons respirer l’air des palaces. Allons nous glisser dans le monde parallèle de l’ultra luxe. Cela tombe à pic, l’Abeille, le restaurant gastronomique, du Shangri-La ouvre désormais ses portes le jeudi et le vendredi midi.
L’atmosphère d’un palace a toujours ce côté suspendu dans le temps, à croire qu’un bouclier de protection repousse à l’extérieur les petits agacements de la vie : on entre dans un monde parfait... où l’on vous conjure de prendre vos désirs pour des réalités.
Cela pourrait être un sujet du Bac : la perfection a-t-elle un prix ? Assurément, la fréquentation des palaces n’est pas offerte, la perfection a donc un prix. Retour brusque à la réalité, pour la plupart d’entre nous. Sauf que...
Sauf que le restaurant gastronomique du Shangri-La propose depuis le mois de mai un menu au déjeuner, qui rend plus envisageable une visite en ces lieux. Il faut compter pour un service en trois plats 88 € ou, en quatre, 114 €. Des prix somme toute comparables à ceux pratiqués par les restaurants étoilés de la capitale, sans que ces derniers ne soient aussi bien logés. Car le Shangri-La est un splendide édifice - ancien hôtel particulier du prince Roland Bonaparte, petit neveu de Napoléon - situé pratiquement en face du Conseil Economique et Social, avenue d’Iéna, ce qui en fait le plus excentré des palaces parisiens habituellement sis dans l’hyper centre et mieux encore dans le triangle d’or Champs-Elysées, Louvres, Madeleine. Un petit écart géographique qui le rend encore plus précieux.
La salle de l’Abeille s’ouvre largement sur un jardin merveilleux, paradis enchanté des roses. L’accueil y est très élégamment et très efficacement orchestré par Christophe Kelsch, directeur du restaurant. On se sent chouchoutés comme nulle part, pris en main par une équipe pleine d’attentions délicates et de conseils avisés. Service palace !
Le chef Christophe Moret n’est pas un inconnu, il a fait les beaux jours du Plazza Athéné puis de Lasserre. Arrivé en début d’année, Christophe a emmené avec lui dans ses bagages des idées claires et nettes. Sa cuisine est franche, directe, lisible, arrimée aux produits d’excellence, qu’il décline avec esprit et talent. « Je suis un cuisinier dans un palace et non pas un cuisinier de palace, aime-t-il à préciser. Ici, j’ai carte blanche, une liberté totale. Sans doute, ce que je fais est imprégné de mes expériences passées, mais je ne suis pas dans une démarche conformiste, je cherche de la simplicité sans être simpliste. »
Une volonté qui se retrouve dans chacune des assiettes servies au déjeuner. Parfait œuf mollé, asperges blanches rôties, girolles boutons, émulsion lait d’amande, éclats d’amandes fraiches, et lard colonnata pour une entrée inscrite dans la saison, où les textures swinguent sur des harmoniques douces et fumées portées par une infusion de Lampsang souchong. Autre option, un foie gras marbré au cacao était mis en valeur par un remarquable travail autour de la cerise que l’on trouvait en marmelade, en acidulé, farcie aux amandes fraiches...
Suivait un blanc de turbot irréprochablement cuit, posé sur un matignon de légumes. Ce matignon est une découpe très fine de légumes parmi lesquels la courgette dominait, véritable jetée de confettis minuscules et multicolores d’une idéale cuisson al dente. Le tout recevait l’onction d’une simplissime et savoureuse sauce faite de l’eau de cuisson des légumes réduite avec un trait de Château-Chalon, montée au beurre. Modestie de l’intervention, aucun emphase, mais de la justesse à tous les plans.
Le plat de viande proposé pour ce déjeuner - la carte change souvent - était une variation autour du lapin : l’épaule confite, le filet du râble rôti et les abats en caillette, associés aux carottes également rôties, confites et en lasagnes croquantes. Un plat dont l’angélisme est malicieusement bousculé par une sauce saupiquet, relevée et acidulée comme il se doit.
Les desserts étaient à la hauteur de ce déjeuner. Il est à noter que depuis notre passage, Michaël Bartocetti, en provenance du Plazza Athéné, a pris les rênes de la pâtisserie.
Je ne donnerai ici aucun conseil économique, ni même social, mais si vous reculez devant l’envie de casser votre tirelire, le Shangri-La et la cuisine de Christophe Moret peuvent être de délicieuses motivations.
L’adresse : Shangri-La - 10 avenue d’Iéna - 75016 Paris - Tél : 01 53 67 19 98