Cyril Laugier est un de ces sauvages qui ne connaissent que leur tribu, leur cercle d’amis, leur socle familial. Depuis toujours, il suit sa piste sans se soucier du “qu’en-dira-t-on”, seule compte l’appréciation de ses clients. A Saint-Amour, ses assiettes sont des voyages, des excursions exotiques, où les épices et l’originalité des accords dressent des panoramas dépaysants. Tour d’horizon !
“Je ne fais partie d’aucun réseau, je ne copine avec personne. Si j’en suis là, c’est parce que je le veux !” Le ton est donné. Une franchise balancée sans détour comme un bouclier de protection. Cyril Laugier avoue une timidité qu’il ne cherche ni à cultiver ni à corriger, c’est comme ça, un point c’est tout. Il ne fera pas le tour de la salle à manger en fin de service, trop émotif, en revanche il aime ces moments partagés quand un client passe en cuisine pour lui dire son plaisir d’avoir découvert ses inventions du jour. « C’est bien d’écouter ce que les gens ont à dire, surtout quand ils font le chemin jusqu’à moi. Personnellement, je ne vais pas au-devant des appréciations, positives ou négatives. Je ne suis pas du genre à regarder sur “Tripadvisor ” les avis laissés par les internautes. Je ne crois pas que cela pourrait m’influencer dans un sens ou dans un autre.”
Il n’y a pas d’arrogance, simplement la certitude que rien ne saurait le faire dévier de la route qu’il aime parcourir depuis tant d’années. A 26 ans, il ouvre l’Auberge du Paradis à Saint-Amour, 17 ans plus tard, en 2014, il obtient une Etoile Michelin : « Je me demande encore pourquoi, dit-il. Je leur ai toujours dit ce que je pensais… »
Une surprise cette étoile, car la cuisine de Cyril est inclassable. Du Maroc, qu’il adore, et où il a vécu enfant, il garde une palette colorée, parfumée d’épices, saturées de saveurs métissées. Dans une assiette, la menthe, le macis et un beurre blanc au comté accompagnent une purée d’asperges vertes adjointe d’huile de pignons et un jaune d’œuf mi-cuit. Le bar est mariné au sel et au sucre, comme pour un gravelax, avec pour condiments : du chorizo, des échalotes, du persil et de l’orange. Le fumet des arêtes est, quant à lui, parfumé de kashmiri massala. Au diable la sacrosainte trinité des trois saveurs devant, ainsi que le veut la tradition gastronomique tricolore, architecturer les assiettes de bon goût. Cyril n’en a cure de ces principes. Les bases, les fondamentaux de la cuisine française, il les connaît pourtant par cœur, il a fait ses classes chez Georges Blanc ! Mais l’idée de faire un coq au vin ou un poulet à la crème, ici en plein Beaujolais, surtout ici, ne lui viendrait jamais. Cyrile n’aime pas le ton sur ton, il chérit au contraire les contrastes, les juxtapositions, les confrontations. Il aime les constructions baroques, à la ligne droite il préférera toujours la volute, l’arabesque.
Il est parfois sur le fil et le tumulte des épices, des huiles, des agrumes étouffent sans doute, ici et là, le murmure d’un produit trop discret pour ses claironnants compagnons. Mais Cyril aime le vertige et nous y entraine. Ne nous plaignons pas de ses hardiesses, le conformisme engendre si souvent l’ennui… A Saint-Amour, chaque menu est une réinvention, jamais Cyril Laugier n’a repris la même recette, il n’y a pas à l’Auberge du Paradis de plats signatures. La signature, c’est Cyril, en personne… et ses diableries
L'adresse : Auberge du Paradis - Le Plâtre Durand- 71570 Saint-Amour-Bellevue - Tèl : 03 85 37 10 26
http://www.aubergeduparadis.fr